Les 27 chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne se réunissent ce 22 mai à Bruxelles pour un sommet informel consacré à la facture énergétique européenne mais aussi et surtout… à l’évasion fiscale.
Fraude fiscale, évasion fiscale, mais aussi optimisation fiscale (de la part des grandes entreprises qui ont des filiales un peu partout et qui jouent avec les règles fiscales pour ne pas payer d’impôts dans les pays concernés) représentent chaque année un manque à gagner estimé à près de 1.000 milliards d’euros pour l’Europe, soit une somme qui permettrait d’alimenter le budget européen pendant sept ans.
« L’évasion fiscale est une injustice pour les citoyens qui travaillent dur et paient leur part d’impôts pour contribuer au fonctionnement de la société, et injustice pour les entreprises qui paient leurs impôts mais ont du mal à être compétitives parce que d’autres ne le font pas », a dit Herman van Rompuy, qui a expliqué avoir ajouté ce thème à l’ordre du jour du sommet de ce 22 mai pour « profiter de l’élan politique » suscité par les révélations de l’OffshoreLeaks sur les paradis fiscaux.
Pour enrayer un tel fléau financier, les 27 pourraient se pencher sur les accords de coopération avec les pays en dehors de l’Union considérés comme des paradis fiscaux, des plateformes offshores. Mais avant cela, l’Union européenne doit d’abord faire front uni et pour cela, le Conseil doit avant tout convaincre l’Autriche et le Luxembourg de lever leur secret bancaire…
Or, lors de la réunion des ministres des Finances de l’Union de la semaine dernière, les deux pays ont refusé le projet de révision d’une directive européenne concernant l’échange d’informations automatique sur la fiscalité de l’épargne et d’autres produits, comme les assurances-vie.
Oui, à condition…
En fait, le Luxembourg envisagerait la levée de son secret bancaire si les accords conclus avec cinq pays aux fiscalités plutôt arrangeantes (Suisse, Andorre, Monaco, San Marin et Liechtenstein) prévoient également une telle levée. La Commission européenne va s’y employer. Pour l’Autriche, c’est un peu plus compliqué du fait que ce secret est inscrit dans la Constitution et qu’il faut donc une révision de la loi fondamentale pour autoriser sa levée. Ce pays semble beaucoup plus réticent.
Ce que voudraient les grands Etats membres de l’Union européenne (Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie, Espagne), mais aussi d’autres pays dont la Belgique, c’est un système similaire à la loi américaine (Fatca) qui obligerait les banques à transmettre des renseignements sur les clients européens (qu’ils soient des particuliers ou des entreprises) partout dans le monde. Le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a même donné une échéance pour cela: le 1er janvier 2015. Qui signerait le début, enfin, d’une harmonisation des règles fiscales à l’échelle européenne?
Ne pas oublier les pays en voie de développement
De son côté, l’organisation française CCFD-Terre solidaire pense qu’il faut aller encore beaucoup plus loin. Elle explique notamment que l’échange d’information, même automatique, ne pourra être complètement efficace qu’à condition de mettre fin aux sociétés écrans derrière lesquelles les fraudeurs et les évadés peuvent aisément dissimuler leur identité. Et rappelle que les pays en développement, premières victimes de ces mécanismes de pillage, doivent être associés formellement aux décisions à venir sur la refonte des règles fiscales pour les entreprises multinationales et la création d’outils d’échange automatique de renseignements.
P.G.