Depuis la mi-janvier, Jens travaille comme kinésithérapeute au sein de la mission d’urgence de Handicap International en Syrie. Au rythme des bombardements de nouvelles victimes transitent chaque jour par les camps de déplacés, les hôpitaux ou le centre de réadaptation. Jens nous livre son témoignage sur cette situation.
En Syrie, pays ravagé la guerre civile, les conditions dans lesquelles les médecins et les chirurgiens sont contraints de travailler sont déplorables et les complications pour les blessés nombreuses. Dans la zone où Handicap International intervient, à seulement quelques dizaines de kilomètres à l’ouest de la ville d’Alep, la plupart des structures qui existent sont des hôpitaux improvisés, souvent montés par des médecins syriens dans des écoles ou d’anciens bâtiments administratifs. Ces structures travaillent avec des moyens dérisoires et sont régulièrement ciblées par des frappes aériennes. « Les blessés qui arrivent par dizaines, avec des blessures très graves, demanderaient une prise en charge lourde, sur plusieurs semaines ou plusieurs mois. Mais ils sont opérés dans l’urgence, puis doivent quitter l’hôpital pour permettre à d’autres blessés d’être soignés, explique Jens. Au mieux, il s’agit de fractures complexes causées par des impacts de balle, mais le plus souvent ce sont des amputations, des blessures à la colonne vertébrale ou au cerveau. Avec le peu de moyens dont ils disposent, les hôpitaux ne sont pas en mesure d’assurer un suivi régulier des patients, qui ont pourtant besoin de comprendre ce qui leur arrive, d’être accompagnés dans leur rééducation pour ne pas perdre encore plus de mobilité. »
Redonner de l’espoir aux blessés
Par sa collaboration avec les quelques acteurs de santé présents dans la région, Handicap International permet aux blessés de bénéficier d’un suivi indispensable. Sans ces soins dispensés par l’association, de nombreux blessés développeraient des complications, voire des handicaps irréversibles. Au-delà, l’association leur donne une raison d’espérer. « Lorsque nous intervenons, nous nous trouvons face à des personnes qui ont connu une succession d’événements traumatisants. Ce sont des hommes et des femmes qui ont vécu durant deux années l’aggravation d’un conflit qui détruit peu à peu leur pays, leur ville, leur quartier, et qui ont fini par en être eux-mêmes des victimes directes, le plus souvent à la suite d’une explosion ou d’un tir de sniper. Ces personnes se sont ensuite retrouvées entourées d’autres blessés, dans des hôpitaux de fortune, et généralement déplacées dans des camps où les conditions de vie sont extrêmement précaires… Alors quand nous leur expliquons qu’en faisant régulièrement des exercices de rééducation, elles peuvent améliorer leur situation ou celle de leur enfant, c’est une première lueur d’espoir après une suite interminable de traumatismes. Aussi dérisoire que cela puisse être en comparaison de ce qu’elles ont perdu, c’est quelque chose de très important. »
Intervenir dans les zones qui en ont le plus besoin
Pour les quelques acteurs qui ont choisi d’intervenir à l’intérieur même de la Syrie, en particulier dans la partie Nord du pays, pilonnée par les bombardements, les contraintes opérationnelles et sécuritaires sont nombreuses. Cependant, l’aide humanitaire y fait cruellement défaut et des populations entières n’ont pas ou peu accès aux soins les plus basiques. « Chaque soir nous entendons les bombardements sur les villes voisines et chaque matin nous rencontrons de nouveaux blessés. Nous travaillons dans des hôpitaux où le sang est encore visible. Il est impossible d’oublier que les lignes de front ne sont qu’à quelques kilomètres et bien sûr c’est un contexte très pesant psychologiquement. Mais nous savons aussi que le travail que nous accomplissons est indispensable. C’est sur cela que nous nous concentrons tous, sur le fait qu’en aidant ces personnes, elles pourront à nouveau marcher, manger seules, se rendre un jour à l’université… ici tout ce qu’on fait en réhabilitation a un impact immense. »
Handicap International
Photo : Jens auprès d’un amputé au centre de réadaptation d’Handicap International au nord de la Syrie
28 % des bénéficiaires sont des victimes de tirs, 29 % sont victimes d’explosions.