Élu à la tête de l’Église catholique le 19 avril 2005, la mission de Benoit XVI s’avère d’emblée très difficile. A commencer par le fait de succéder à Jean-Paul II, pape populaire et charismatique, dont le pontificat fut l’un des plus longs de l’histoire.
Que retiendra-t-on du pontificat de Benoit XVI ? Difficile à dire actuellement tant la démission a été surprenante et inattendue. Force est cependant de reconnaître que la tâche du successeur du pape Jean-Paul II n’a pas été facile. Au cours de ces huit années, la vie n’a pas été un long fleuve tranquille pour le souverain pontife démissionnaire. Diverses crises ont jalonné le pontificat de Joseph Ratzinger, dont la plus grave et la plus douloureuse a été la crise de la pédophilie au sein de l’Eglise. Une crise qui a mis en lumière l’humilité et l’humanité de Benoit XVI, qui s’est rangé aux côtés des victimes dont il a rappelé la souffrance. Cette crise a meurtri le pape, comme d’ailleurs l’ensemble des prélats, des prêtres, des laïcs engagés dans l’Eglise. Mais, le discours tranche : Benoit XVI reconnaît « les péchés de l'Église ».
Des débuts difficiles
Certains milieux lui reprocheront ses propos lorsqu’il regrette que le projet de constitution européenne ne mentionne pas explicitement ces racines chrétiennes de l’Europe. Même chose concernant un discours sur la foi prononcé en 2006 à l’Université de Ratisbonne, en Allemagne. Il condamne la violence faite au nom de la religion, en citant l’empereur byzantin Manuel II Palaiologos (1350-1425) qui avait dénoncé « mandat de Mahomet de diffuser par l’épée la foi qu’il prêchait ». La communauté musulmane à travers le monde est choquée. Trois ans plus tard, il se rend en Jordanie pour son premier voyage en terre d’Islam. Il prie à la mosquée Al-Hussein, la plus grande du pays, et devient ainsi le deuxième pape, après Jean-Paul II, à pénétrer dans une mosquée.
Un autre dossier « chaud » a été celui du rapprochement avec la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X, fondée par Mgr Marcel Lefèbvre, excommunié par Jean-Paul II. Benoit XVI entame un processus de réconciliation. En 2007, il libéralise par un décret la messe en latin et accorde ainsi le droit aux communautés traditionnalistes de célébrer la messe quotidiennement, selon le rite tridentin. Cette mesure est perçue par une partie de l'opinion publique comme une régression par rapport au concile Vatican II, mais pour d’autres, elle s’inscrit dans une volonté de rassembler. Le pape va même plus loin : il lève l’excommunication à l’égard des quatre évêques traditionnalistes ordonnés par Mgr Lefèbvre. Une décision qui provoque une polémique chez les juifs et chez certains catholiques, amplifiée par les propos négationnistes de Mgr Williamson, dont Rome exige les excuses et qui finira par êtrebanni de la FSSPX. Au final, les négociations sont au point mort. Enfin le scandale « Vatileaks » a aussi profondément meurtri le pape qui, malgré tout, a poursuivi sa mission avec courage.
De l'ambition pour l'Eglise
Il serait réducteur et négatif de ne relever que ces seuls éléments. Ce qu’il faut surtout mettre en avant ce sont les moments forts du pontificat : le synode sur la nouvelle évangélisation – preuve de la volonté du pape d’apporter une réponse à la désacralisation de notre époque -, l’Année de la Foi, les 50 ans de Vatican II, sans oublier les 24 voyages apostoliques, dont la Turquie, Cuba, le Mexique, le Liban, sans oublier les JMJ de Madrid, la béatification de Jean-Paul II, la publication de trois encycliques, etc. A cet égard, le pontificat de Benoit XVI, pape que l'on disait de transition, a été ambitieux !
Et puis, on retiendra à coup sûr l’annonce de la démission, qui crée un précédent et qu’il faut saluer comme un geste courageux et empreint du sens des responsabilités. Car, en remettant sa charge, Benoit XVI permet que son successeur soit choisi, non dans la douleur d’un deuil papal, mais bien avec le temps nécessaire à ce que chacun des cardinaux puisse invoqué l’Esprit Saint pour effectuer le meilleur choix qu’il soit pour l’Eglise catholique et pour les défis qu’elle aura à relever dans les années qui viennent.
Jean-Jacques Durré