Ces 7 et 8 février se tient un sommet européen à Bruxelles, qui doit se pencher sur le budget de l’Union. Or, en ces temps de crise, il y a fort à parier que l’on s’orientera vers des restrictions tous azimuts. Et, dans le collimateur se trouvent les aides aux plus démunis qui pourraient être rabotées de 40%. Les associations, dont la Croix-Rouge, tirent la sonnette d’alarme et lance un appel.
Faire des économies en temps de crise est certes louable. Faire preuve de rigueur budgétaire est indispensable pour éviter de s’enfoncer dans une spirale infernale d’endettement des états, au moment om nombre de membres de l’UE ont déjà des difficultés. Toutefois, il y a économie et économie. Or, en diminuant les aides alimentaires aux plus démunis, les 27 risquent de créer davantage de pauvreté. La question est donc de savoir comment sauver cette aide alimentaire provenant de l'Union européenne ? Car, il y a un risque de voir les associations qui distribuent des repas aux plus démunis devoir mettre la clé sous la porte. On n’en est pas encore là, mais tout dépendra du résultat des négociations en cours.
Pour plusieurs associations belges, si les chiffres négociés en ce moment se confirment, l'aide européenne aux plus démunis serait amputée de 40% à partir de 2014. En d'autres termes, elle ne permettrait de nourrir les démunis européens qu'une fois tous les 5 jours. La Croix-Rouge, qui distribue 50.000 colis d’aide alimentaire par an, aidant 5.000 familles, s’est unie à la Fédération des Banques alimentaires, à la Fédération des Restos du Cœur, à la Fédération des CPAS et à la Société de Saint-Vincent de Paul. Ensemble, ces associations ont adressé une lettre ouverte aux parlementaires européens et au Premier ministre Elio Di Rupo.
Une aide vitale
Intitulée « Pour une Europe sociale, conservons l’aide alimentaire aux plus démunis ! », cette lettre ouverte indique que « l’Europe est face à ses responsabilités et tient enfin l’occasion (…) de prouver à tous les Européens qu’elle est aussi sociale ». Les associations signataires rappellent que l’aide européenne annuelle permet de couvrir les besoins alimentaires de 19 millions d’européens un jour sur trois. Or, l’Europe propose de diminuer le budget de l’aide aux plus démunis à 360 millions d’euros par an au lieu de 500 millions actuellement. Cette aide résulte historiquement des surplus alimentaires de la Politique agricole commune (PAC) et pourvoit aux besoins du Programme européen d'aide aux plus démunis (PEAD).
Si à ses débuts, le programme consistait à redistribuer aux plus démunis les surplus de la PAC (viande, lait, céréales...) accumulés dans les greniers de l'Europe, avec la régulation de la production agricole, les stocks se sont taris. Du coup, ce qui était donné jadis en « nature » a été transformé en ligne budgétaire. Mais certains pays comme l'Allemagne, le Danemark, les Pays-Bas et le Royaume-Uni remettent en cause cette aide, considérant que ce n'était pas à la PAC de lutter contre la précarité et que l'aide aux plus démunis relève de la responsabilité de chaque Etat membre.
La réalité est là : dans tous les pays de l’Union, de plus en plus de personnes sont en situation de précarité et frappent à la porte des associations. En Pologne, 80 % de l'aide alimentaire distribuée aux démunis provient du PEAD. Là-bas, comme dans une vingtaine de pays d'Europe, cette aide est vitale. Par ailleurs, les associations pointent du doigt le taux record de pauvreté atteint en 2012 et qui concerne 120 millions d’européens !
Droit à la dignité
« Face aux indicateurs alarmants et indiscutables, il n’est pas acceptable que l’Europe diminue l’aide alimentaire aux plus démunis, qui n’est déjà pas suffisante, alors que les besoins ne font qu’augmenter ! Le vrai compromis, et nous insistons sur ce mot, que nos cinq organisations sont prêtes à accepter dans le contexte européen actuel consiste à ne pas demander de hausse du budget », précise encore la lettre ouverte des associations belges. « Nous rappelons également à l’Europe son engagement moral en matière de droit à la dignité humaine, qui passe par une alimentation suffisante, de qualité et équilibrée, engagement qui figure à l’article 25 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme ».
Et de conclure : « En nous unissant aujourd’hui, nous prouvons que chaque association, chaque région, chaque pays peut faire preuve de solidarité envers son prochain : il suffit d’un euro par européen par an pour maintenir le Programme Européen d’Aide aux plus Démunis ».
Notons encore que les Belges ne sont pas les seuls à tirer la sonnette d’alarme. Sous l’appellation « Airfood », ils sont unis à leurs homologues franca !s et d’outre-Rhin. En France, en effet, quatre grandes associations chargées de la collecte et de la distribution de l'aide alimentaire préviennent que « si aucun nouveau programme n'est adopté par les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union européenne, l'aide alimentaire disparaîtra irrémédiablement ». Avec leur homologue allemand Die Tafeln, le 10 janvier dernier, ces associations ont rencontré le président du parlement européen Martin Schultz, qui les a assurées de son soutien. Celui-ci se serait prononcé pour le vote d'un budget à la hauteur des besoins, « c'est-à-dire au moins équivalent au budget actuel, considérant que l'Europe se doit de rétablir un équilibre social ».
Il reste à former l’espoir que cet appel sera entendu et que l’Europe, en y répondant favorablement, ne ternira pas le récent prix Nobel de la Paix qu’elle a reçu !
Jean-Jacques Durré