A 69 ans, le cardinal français Jean-Louis Tauran aura l’honneur de prononcer la fameuse formule « Habemus papam » et d’annoncer le nom du nouveau pape. Il est l’un des hommes influents du prochain conclave. Le président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux a indiqué que le nouveau pape devra être un homme de dialogue, « capable d’enseigner le contenu de la foi » et de lancer une réforme de la curie romaine. Interview.
– Monseigneur, comment avez-vous accueilli, la semaine passée, l’annonce de renonciation de Benoît XVI ?
– Lors du consistoire du 11 février, l’annonce a été une surprise totale, car personne n’était au courant. Le pape a fait cette annonce avec un calme et une sérénité hors du commun. Tout le monde, évidemment, s’est demandé la raison de cette décision. Mais, lorsqu’on lit son texte, il dit clairement les motifs qui l’on amené à cela : ses forces et son énergie qui diminuent avec l’âge. C’est un homme qui est réservé dans son contact avec les foules, et cela lui a demandé beaucoup d’engagement psychologique.
– Quels mots utiliseriez-vous pour qualifier cette décision plutôt inattendue ?
– C’est un geste d’une grande noblesse morale. Benoît XVI a le courage de reconnaître ses limites et possède un grand détachement. Passer du siège de Pierre à une retraite proche du chartreux, cela suppose une vie intérieure intense et beaucoup de détachement.
– Comment réagissez-vous lorsque des fidèles confient qu’ils se sentent comme abandonnés ?
– C’est un très bel hommage ! Cela veut dire que ce pape que l’on a décrit comme une personne froide est au contraire un homme d’une grande tendresse, d’une grande paternité.
– Vous êtes en lien avec le monde musulman en particulier, quelles y sont les réactions ?
– Le pape sort grandi de ses années éprouvantes de pontificat. Du monde musulman, j’ai reçu des messages de gens qui admirent son courage et sa modernité, dans un certain sens.
– Le jeu des favoris laisse peu de place à la force de l’Esprit saint, mais l’on peut cependant tracer le profil du prochain pape à la lumière des défis à venir de l’Eglise. Quels sont-ils ?
– Je crois d’abord qu’il faudra continuer ce qu’a fait Benoît XVI, c’est-à-dire enseigner le contenu de la foi. Dans le monde d’aujourd’hui, les chrétiens doivent être en mesure de rendre raison de leur foi en ayant une connaissance du contenu de cette foi, car on ne transmet pas des impressions. Il faudra aussi un pape très ouvert au dialogue avec les cultures et les religions. Bien sûr, je pense au dialogue interreligieux, mais aussi celui avec les autres Eglises chrétiennes. Il faudra aussi qu’il puisse faire une réforme de la curie, de manière à ce qu’il y ait plus de coordination.
– Avant d’être élu, Joseph Ratzinger voulait pourtant effectuer cette réforme…
– Oui, mais la curie est une grosse machine ! Il faut peut-être un pape plus jeune.
– Quel âge devrait-il avoir selon vous ?
– L’âge idéal c’est plus ou moins 65 ans… même 70 ans s’il est en bonne forme.
– Quelles qualités lui faudra-t-il avant tout ?
– Il lui faudra avant tout la vertu de l’espérance, car nous sommes dans un monde désenchanté, une société liquide. Il faudra qu’il ait aussi les idées claires sur les contenus de la foi.
– Vous devriez apparaître à la loggia de la basilique Saint-Pierre pour annoncer le nom du nouveau pape. Comment s’y prépare-t-on ?
– Je ne me prépare pas à l’ »Habemus papam », je me prépare au conclave ! Je m’y prépare actuellement avec trois livres: la Constitution apostolique « Universi dominici gregis » (sur la vacance du siège apostolique et l’élection du pontife romain, ndlr), la Constitution conciliaire « Gaudium et spes », et le livre du Père Henri de Lubac « Méditation sur l’Eglise ». Ce dernier ouvrage est une magnifique présentation de l’Eglise, des Pères jusqu’à aujourd’hui.
Propos recueillis par Antoine-Marie Izoard (I.Media)