A l’occasion de la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens qui s’ouvre ce 18 janvier, rencontre avec Laurence Flachon, la pasteure de l’église du Musée à Bruxelles. Cette femme intelligente, élégante et dynamique a fait du dialogue œcuménique l’une des priorités de son ministère. De père catholique et de mère protestante, elle accorde beaucoup d’importance à l’unité de l’Eglise, mais estime que sa recherche ne doit pas se faire au détriment de la diversité, qui est une richesse bien plus qu’un fardeau.
Laurence Flachon rêvait de devenir fonctionnaire européen; elle est finalement devenue pasteure protestante. En effet, c’est en faisant un DEA (*) à l’ULB sur « Religion et intégration européenne: groupes de pression et acteurs politiques » que cette diplômée de l’Institut d’Etudes Politiques de Lyon a commencé à se passionner pour la théologie et s’est sentie appelée à devenir pasteure. « Mon père était catholique et ma mère protestante, mais aucun des deux n’a souhaité que je sois baptisée enfant », raconte-t-elle. « Ils voulaient que ce soit un choix personnel. À l’adolescence, comme j’avais plus d’affinités avec le protestantisme, je me suis tout naturellement orientée vers cette confession. J’avais toutefois plus de 20 ans quand j’ai été baptisée, car j’ai pris le temps de me préparer. Je voulais d’abord être bien intégrée dans une communauté et pratiquer suffisamment. »
Un pari audacieux
Après sa formation théologique à Genève (Suisse), où elle a notamment effectué des stages à l’aumônerie de l’hôpital cantonal et au Conseil œcuménique des Eglises, la jeune femme a souhaité revenir en Belgique, dont elle avait gardé un excellent souvenir. « A la fin de mes stages à Genève, j’ai entendu qu’un poste de pasteur était vacant à la paroisse du Musée à Bruxelles, l’une des plus anciennes de Belgique, et j’ai aussitôt postulé », explique-t-elle. Quelques mois plus tard, Laurence Flachon était élue par l’assemblée paroissiale, comme cela se fait dans la plupart des Eglises issues de la Réforme. « C’était un pari audacieux pour cette communauté », reconnaît la pasteure, « car, en plus d’être une femme et d’être Française, j’étais jeune (32 ans) et peu expérimentée. »
Cette façon de procéder est évidemment déconcertante pour un catholique, car chez nous, les paroisses ont beaucoup moins de pouvoir et d’autonomie. Certes, il y a des variantes importantes d’une Eglise protestante à l’autre, mais jamais un pasteur ne sera désigné sans l’accord de la communauté locale. Dans le cas de l’Eglise protestante unie de Belgique (EPUB), la commisssion du ministère du synode national intervient pour vérifier que les candidats disposent des titres universitaires requis et des aptitudes professionnelles afin de les agréger au rôle pastoral. Pour le reste, c’est à la paroisse de décider. « J’ai prêché une première fois devant la communauté lors du culte du dimanche, puis j’ai eu un entretien avec le consistoire, durant lequel tous les aspects de la pastorale ont été abordés, ainsi que mes point forts et mes points faibles. Les membres du consistoire ont effectué une première sélection et m’ont invitée à prêcher une seconde fois. Après le culte, les membres de la communauté ont pu me poser toutes les questions qu’ils souhaitaient. Cela s’est apparemment bien passé, puisque moins de quatre mois après avoir postulé, j’étais élue par l’assemblée. Ce qui est un délai relativement court. »
Prééminence à la Parole
De nombreux critères interviennent dans le choix du pasteur, mais la prédication est certainement l’un des plus importants, surtout chez les réformés. Elle permet à la communauté de voir si elle est en adéquation théologique avec le pasteur, s’il y a affinité réciproque. « Il faut faire attention de ne pas tomber dans l’excès qui consisterait à chercher un pasteur qui corresponde à 100% à ses attentes », prévient Laurence Flachon. « Il est bon d’être parfois dérangé dans ses habitudes, de laisser sa chance à quelqu’un de différent, sinon on n’avance pas. »
Les protestants accordent une importance centrale à la prédication de la Parole. C’est d’ailleurs pour cette raison que, dans leurs temples, la chaire se trouve très souvent au-dessus de la table de la sainte cène. « Il n’y a pas de culte sans prédication », explique la pasteure, « car c’est le point d’orgue de la célébration. Mais cela ne veut pas dire que nous sous-estimons la sainte cène. Au contraire, nous lui accordons tellement d’importance que, dans notre paroisse, nous ne la célébrons que tous les deuxièmes dimanches du mois, afin de bien nous y préparer le mieux possible. Il ne faut pas que cela soit vide de sens. Mais le rythme de la célébration de la Cène varie en fonction de chaque église locale. »
Une paroisse libérale
La paroisse du Musée appartient également au courant libéral. « Nous essayons d’offrir des réponses novatrices, modernes, aux grands problèmes de notre temps, de reconnaître et d’accueillir l’autre dans sa différence en vue d’un dialogue constructif », explique-t-elle. Ainsi, sa paroisse est-elle l’une des premières de Belgique à avoir approuvé la bénédiction des couples homosexuels, à l’issue d’un vote mené en assemblée générale extraordinaire. « L’Eglise protestante unie de Belgique (EPUB) se penchait sur cette question depuis longtemps. Ne parvenant pas à un accord, elle a décidé de renvoyer toute prise de position aux paroisses locales. Certaines ont choisi d’ignorer la question; d’autres ont dit non; nous, nous avons dit oui. »
Laurence Flachon reconnaît qu’il n’est pas facile de parler du protestantisme, car ce qui vaut pour une paroisse ne vaut pas forcément pour une autre, et c’est pareil entre les différentes Eglises protestantes,. Mais elle tient énormément à cette diversité, car le débat fait partie intrinsèque du protestantisme. « C’est inscrit dans nos gènes », insiste-t-elle. « Et s’il y a des différences entre les Églises issues de la Réforme magistérielle (XVIe siècle), elles ne sont pas séparatrices. »
Propos recueillis par Pascal ANDRÉ
(1) DEA : Diplôme d’études approfondies.