L’épiscopat philippin appelle à une grande manifestation ce samedi 4 août, trois jours avant l’examen par le Sénat du projet de loi sur la gratuité des contraceptifs, l’éducation sexuelle à l’école et l’autorisation de l’avortement. Une loi sur la « santé reproductive ».
Dans ce pays d’Asie du Sud-Est, la population est estimée à près de 100 millions d’habitants, et augmente de 2 % par an. Les Philippines présentent un des taux de fécondité les plus élevés d’Asie (3,11 enfants par femme).
En septembre 2010, au cours d’un voyage aux États-Unis, le président Benigno Aquino évoque une proposition de loi sur la « santé reproductive ». « Le gouvernement doit informer chacun sur ses responsabilités et ses choix ; il doit aider les couples démunis à mieux utiliser les méthodes appropriées pour espacer les naissances », déclare-t-il. Un projet de loi sur la parentalité responsable et la santé reproductive (communément appelé « RH Bill ») est adopté par les députés en avril 2011. Cette législation instaure la gratuité des contraceptifs, l’éducation sexuelle à l’école et l’autorisation de l’avortement.
Cette proposition de loi sur la santé reproductive prévoit l’attribution de fonds pour l’achat de contraceptifs et l’introduction à l’éducation sexuelle des élèves du cycle d’enseignement primaire. Jusqu’ici, les gouvernements étrangers et les organisations non gouvernementales (ONG) finançaient l’achat de moyens contraceptifs, mais la crise financière internationale les ont forcés à réduire leur aide, indiquent des responsables du gouvernement philippin. En 2005, les bailleurs de fonds ont versé 4,4 millions de dollars destinés à l’achat de contraceptifs, le gouvernement américain ayant versé une grande partie de cette somme, selon la Coalition pour l’approvisionnement en matière de produits contraceptifs (Reproductive Health Supplies Coalition), un partenariat public-privé qui contrôle les envois de fournitures de santé reproductive. Dès lors, les fonds alloués à l’achat de contraceptifs ont été deux fois moins importants en 2011. La Fédération internationale pour les naissances planifiées (International Planned Parenthood Federation), Marie Stopes International – une ONG internationale qui intervient dans le domaine de la santé reproductive – ainsi que le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA), ont versé ensemble 2,2 millions de dollars pour l’achat de contraceptifs.
Eviter les décès maternels ?
La politique de contrôle des naissances du président philippin vise à offrir aux services publics de santé des crédits liés aux «fournitures» nécessaires à la planification familiale. L’argent investi dans cette dernière initiative relative à la planification familiale proviendra du budget général de 2012 qui s’élève à 990 millions de dollars. Les responsables du Département de la santé indiquent que la décision vise à réduire le taux de mortalité maternelle, qui est passé de 162 décès pour 100 000 naissances vivantes en 2006 à 221 décès pour 100 000 naissances vivantes en 2011 – soit une augmentation de 35 % – selon l’enquête sur la santé familiale réalisée par le gouvernement en 2011. Le Département de la santé a indiqué que cet argent permettra d’acheter « des produits et fournitures de planification familiale » – l’euphémisme officiel utilisé pour désigner les préservatifs, dispositifs intra-utérins (DIU), contraceptifs – et de les distribuer à grande échelle, pour la première fois, dans les centres communautaires sous-financés installés dans le pays. Mais cette décision est controversée : les responsables de santé publique et les acteurs de la planification familiale eux-mêmes reconnaissent ne pas savoir si elle sera mise en œuvre par des responsables locaux qui craignent de provoquer le mécontentement de l’Église ou de perdre les votes des catholiques.
Ce mardi 7 août, le projet de loi sera soumis au vote du Sénat, dernière ligne droite avant son entrée en vigueur. Car le président Aquino souhaite faire passer cette loi au plus vite, comme il l’a redit dans son discours à la nation le 23 juillet : « La loi sur la parentalité responsable est la seule réponse au considérable retard pris dans le contrôle des naissances, nécessaire au développement économique du pays. »
L’Église des Philippines s’oppose à la distribution gratuite de contraceptifs et craint que l’État en vienne à financer des programmes de distribution de pilules abortives. Elle refuse la légalisation de l’avortement, interdit jusqu’à présent. L’affrontement entre la Conférence des évêques catholiques des Philippines (CBCP) et le gouvernement philippin sur la RH Bill a culminé en octobre 2010 avec la déclaration de Mgr Odchimar, président de la CBCP, menaçant d’excommunication le président s’il persistait à faire voter le projet de loi.
Le dialogue a momentanément repris, avant une nouvelle mobilisation des catholiques en mai 2011, lorsque la RH Bill devait de nouveau être débattue au Parlement. Une lettre pastorale de la CBCP, lue dans toutes les églises, explique les raisons de la rupture des négociations entre les évêques et le gouvernement qui, selon la CBCP, « a claqué la porte à toute possibilité de dialogue en refusant de céder sur des points incompatibles avec la doctrine de l’Église ».
Ce samedi 4 août, les évêques appellent à une manifestation populaire dans le centre de la capitale, Manille.
JJD (Avec La Croix et AlterAsia)