Le pape se rendra au Mexique du 23 au 26 mars, avant de visiter Cuba où il séjournera jusqu’au 28. L’occasion pour lui de montrer le grand intérêt qu’il porte à l’Amérique latine, un continent lui aussi touché par la sécularisation.
En se rendant au Mexique et à Cuba à la fin de ce mois, Benoît XVI entend bien montrer tout l’intérêt qu’il porte à l’Amérique latine, même si ce n’est que la deuxième fois qu’il visite ce continent depuis le début de son pontificat. Avec plus de 530 millions de fidèles, l’Amérique du Sud est effectivement la région la plus catholique au monde. Et même si elle voit l’influence du catholicisme se réduire au profit d’autres religions ou sectes, elle continue d’occuper une place prépondérante au sein de l’Église romaine. Durant ce voyage, le pape abordera donc probablement les problèmes rencontrés par les catholiques latino-américains: la montée des groupes et sectes, notamment pentecôtistes, le syncrétisme, la baisse de la pratique religieuse et la remise en cause de la famille traditionnelle sous l’effet de la libéralisation des moeurs.
Migration et violence
Mais pourquoi le pape a-t-il choisi de se rendre dans ces deux États en particulier? Le Mexique, tout d’abord, s’est imposé de lui-même. Le pape désire effectivement y célébrer le 200e anniversaire de l’indépendance des États d’Amérique latine, en compagnie des évêques de tout le pays. Mais durant son voyage, il ne pourra pas faire abstraction du principal fléau qui frappe le pays: la guerre contre le narcotrafic. Lancée par le président Calderon à son arrivée au pouvoir en décembre 2006, celle-ci a effectivement déjà fait plus de 45.000 morts et donné lieu à toute une série d’atrocités qui dépassent l’entendement.
Un appel à la trêve
Les cartels de la drogue sont d’ailleurs tellement puissants que l’archevêque de León, Mgr José Martin Rabago, a dû leur demander une trêve pour la venue du pape dans l’État du Guanajuato. « À ceux qui font du mal, si mes paroles vont jusqu’à eux, je veux leur demander qu’ils prennent en compte ce moment particulier que nous allons vivre« , a-t-il déclaré. « C’est un temps de paix et de grâce. » L’appel a visiblement été entendu puisque, quelques jours plus tard, le cartel des Templiers a fait savoir que ses membres acceptaient la trêve, à condition que leurs ennemis, les Gente Nueva, en fassent autant.
En fait, l’Église mexicaine entretient des relations compliquées avec les trafiquants de drogue, qui, par foi ou par superstition, ont toujours cherché à obtenir son pardon, notamment en réalisant des dons importants pour la construction de chapelles ou le financement de leur paroisse. Cet appel à la trêve, en tout cas, n’est pas du goût de Mgr Christophe Pierre, le nonce apostolique, pour qui l’Église n’a pas à traiter avec des criminels. Le cardinal hondurien Oscar Andres Rodriguez Maradiaga pense d’ailleurs que le pape va lancer un message « clair » aux « trafiquants qui prétendent être catholiques en dépit du fait qu’ils ruinent ce beau pays et y sont les artisans d’une grande partie de la violence« .
Réchauffement diplomatique
Quant au choix de Cuba, il se justifie avant tout par le 400e anniversaire de la découverte de l’image de Notre-Dame de la Charité, patronne du pays. Car bien que Cuba soit un État officiellement athée depuis la révolution de 1959, il reste un pays traditionnellement catholique. C’est d’ailleurs avec joie que ses habitants ont accueilli l’annonce de la visite du pape. Il faut dire que les relations dimplomatiques entre Cuba et le Saint-Siège se sont pas mal réchauffées ces dernières années, surtout depuis que Raul Castro a succédé à son frère Fidel à la tête du pays. Le nouveau président de Cuba a même ouvert en 2010 avec l’archevêque de La Havane, un dialogue officiel qui a notamment permis la libération de plusieurs dizaines de prisonniers politiques.
L’Église catholique cubaine devra toutefois résister aux pressions politiques de tous bords à l’occasion de la visite du pape, met en garde Orlando Marquez, le porte-parole de la Conférence épiscopale, « car en l’absence de groupes ou de partis indépendants, certains aspirent à voir l’Église se transformer en catalyseur de changements radicaux à Cuba« . Les autorités du pays espèrent de leur côté que cette visite permettra d’attirer l’attention de la communauté internationale sur leur situation. « Cuba n’a pas demandé au pape de condamner l’embargo » qui frappe l’île depuis un demi-siècle, a déclaré l’ambassadeur de La Havane, mais « elle accueillerait positivement une telle annonce si elle devait être faite. »
Les propos du pape sur l’évolution politique seront donc certainement pesés pour ne pas gâcher la détente relative existant actuellement entre l’Etat et les responsables de l’Eglise catholique, à la tête d’un puissant système d’assistance sociale. Le risque est effectivement que son message soit récupéré tant par le régime que par l’opposition. Aucune rencontre n’est d’ailleurs prévue avec des dissidents, et le Vatican a soutenu l’épiscopat cubain qui a condamné l’occupation d’une église la semaine dernière.
Le père Federico Lombardi, directeur de la Salle de presse du Saint-Siège, a par ailleurs rappelé que Benoît XVI ne se rend pas au Mexique et à Cuba pour faire de la politique, mais pour aider les catholiques à vivre leur foi et les encourager dans leur lutte contre la pauvreté et la violence.
La santé du pape
Interrogé comme avant chaque voyage sur la santé du pape, le porte-parole du Saint-Siège a également assuré que « le pape va très bien. » Certes, ce voyage de près d’une semaine sera éprouvant pour sa santé, mais son programme a été aménagé avec de longues plages de repos. Pour un homme qui aura 85 ans en avril, il est effectivement impératif qu’il puisse récupérer, surtout après un vol de quatorze heures.
PA