Le Tibet devait fêter le Nouvel An le 22 février, mais comment faire la fête quand de plus en plus de jeunes moines se suicident en s’immolant?
Dans le Sichuan tibétain, une guerre silencieuse se poursuit contre la digestion culturelle du Tibet et la répression du pouvoir central chinois. Les deux dernières semaines ont vu huit nouveaux actes désespérés d’immolation, et 24 au total en moins d’un an. La région est sous pression constante et les habitants vivent dans la peur; cependant ils résistent malgré tout: cette région est interdite à la presse; un instituteur écrivain a été enlevé, et fin janvier, selon la presse officielle, des protestataires ont tenté de prendre un commissariat, mais la police a tiré faisant deux morts.
Que dit Pékin? Que dit Daramsala?
Manifestement, le pouvoir communiste en reste à son analyse intangible depuis vingt ans : toutes les velléités d’indépendance viennent du dalaï-lama, et il suffit d’attendre sa mort pour voir s’éteindre toute résistance. Mais sur le terrain, on voit plutôt émerger le scénario inverse, où une population désespérée des brimades quotidiennes infligées à son clergé, passe aux actes. Le dalaï-lama, lui, essayant de faire tout ce qu’il peut pour contenir ses troupes, au Tibet comme en Inde, mais y parvenant de moins en moins.
Curieusement, ce schéma implacable et de désespérance se voit contredit par des voix conciliatrices, dans les deux camps. Depuis Daramsala (Inde), le gouvernement tibétain en exil sort de son silence pour condamner les suicides par le feu, et va même jusqu’à dire aux émeutiers que « seules sont acceptables les révoltes pacifiques, dignes et selon la loi du pays ». À l’évidence, l’entourage du dalaï-lama est aussi bouleversé que le pouvoir communiste et souhaite mettre un terme à l’épidémie morbide. Et vers Pékin, c’est aussi un rameau d’olivier tendu.
En face, on apprend qu’à Pékin aussi des voix prêchent la conciliation. La Chine a fait secrètement restaurer les 54 maisons du village natal du dalaï-lama. Comme si, sans le dire, elle préparait le retour du pontife lamaïste. À Lhassa, son palais d’été est déjà remis à neuf depuis dix ans.
C’est ainsi que cette région troublée se retrouve sur le fil de la balance, sans savoir de quel côté le fléau va pencher. Ces jours derniers hélas, à l’évidence, c’est plus vers le conflit que vers l’entente et le dialogue.
Sud-Ouest/SB