Editorial du P. Charles Delhez, paru dans le « Dimanche Express » n°8 du 26 février 2012 :
Chaque civilisation a son histoire, ses avancées et ses reculs. Toutes sont capables du meilleur et du pire et s’inscrivent sur une trajectoire historique, car elles sont en devenir – comme chaque personne d’ailleurs. Elles évoluent et se transforment. Ce qui importe, c’est la dynamique. Ce n’est donc pas la guillotine qui caractérise 1789, mais l’aspiration à la liberté.
La bonne question n’est pas « Notre civilisation est-elle la meilleure? », mais « Qu’avons-nous à apporter au dialogue des civilisations? » Et, pour le moment, en Occident, nous ne le savons plus. Au nom d’une tolérance qui nous pousse à tout relativiser, nous n’osons plus croire que certaines valeurs héritées de notre histoire, et notamment de nos racines judéo-chrétiennes, ont quelque chose d’universel. La vraie crise de la civilisation occidentale ne serait-elle pas là? Pourtant nous continuons à exporter nos produits, nos découvertes scientifiques, pour le meilleur et pour le pire, et à croire que certaines de nos conquêtes – notamment en matière de mœurs – méritent de faire l’unanimité, et ce au nom d’une liberté individuelle mesurée par rien d’autre qu’elle-même.
Je plaide pour un dialogue planétaire des civilisations en vue d’une société métissée. La modernité occidentale n’est pas la seule. Pour y parvenir, il faut bien que je m’appuie sur la tradition qui est mienne – comment ferais-je autrement? – et que je sois conscient qu’elle a certaines valeurs à apporter aux autres, même si elles n’ont pas toujours été ou ne sont pas encore actualisées. Nous ne sommes sans doute pas les meilleurs, mais au sein de notre civilisation, des valeurs sont nées, dont nous pouvons, en toute honnêteté, croire qu’elles sont porteuses de progrès pour cette humanité fondamentalement une.
Dans ce dialogue, on ne peut mettre les religions hors champ. Elles demeurent une variable importante. Chacune a d’ailleurs cessé d’être située géographiquement, mais – globalisation oblige – est devenue mondiale et irrigue l’humanité tout entière. Il faut donc à tout prix se défaire d’un regard négatif, comme si elles étaient un obstacle au changement. Elles en sont une composante importante, elles-mêmes étant d’ailleurs souvent en constante évolution, sauf quand elles se figent (ce qui peut arriver à toutes). Elles apportent le « feu spirituel » nécessaire et fondent nos civilisations dans un absolu qui les dépasse.