Un vent de rébellion souffle sur l'Église catholique autrichienne. Plus de 300 prêtres viennent de lancer un "appel à la désobéissance", dans lequel ils prônent le mariage des prêtres, l'ordination des femmes et d'autres réformes en contradiction avec l'enseignement de l'Église. Une initiative qui serait apparemment soutenue par 71,7% des Autrichiens.
Pousser Rome à réformer l'Église, tel est l'objectif poursuivi par les quelque 370 prêtres autrichiens qui ont déjà signé "l'appel à la désobéissance" lancé par le groupe "Pfarrer-Initiative". Créé 2006 par le père Helmut Schüller, ancien vicaire général de Vienne et bras droit du cardinal Schönborn, ce groupe entend en effet forcer à la hiérarchie à accepter officiellement des changements déjà entrés dans les faits. Ainsi, retrouve-t-on parmi ses revendications principales l'ordination des femmes et des personnes mariées, ainsi que d'autres réformes en contradiction avec l'enseignement de l'Église catholique. Les prêtres contestataires s'engagent notamment à donner la communion "aux divorcés-remariés, aux membres d'autres Églises chrétiennes et à l'occasion à ceux qui ont quitté l'Église". Et afin de faire face au recul des vocations, ils proposent de permettre aux pratiquants non ordonnés, hommes ou femmes, de prononcer des sermons et de diriger des paroisses.
Un risque de schisme ?
Profondément "bouleversé" par cette nouvelle, le cardinal Christoph Schönborn a aussitôt brandi la menace de sanctions si ces "réformateurs" ne renonçaient pas à leur projets dans les semaines à venir. "Cela ne peut pas continuer", a dit l'archevêque de Vienne au quotidien "Der Standard", comparant les signataires de cet appel à des joueurs de football qui entreraient sur le terrain en refusant les règles du jeu. Dans la revue diocésaine "Thema Kirche", il rappelle par ailleurs que "celui qui, en toute conscience, aboutit à la conclusion que Rome est sur une fausse piste" doit en tirer les conséquences et "ne plus cheminer avec l'Église catholique romaine". "Mais je crois et j'espère que ce cas ne se produira pas ici", a-t-il ajouté.
Ces menaces ne semblent guère impressionner le chef de file de la révolte, le père Schüller, qui a d'ores et déjà annoncé qu'il ne ferait pas machine arrière. Il affirme en effet que de nombreux prêtres ne respectent déjà plus les règles établies, et la plupart du temps sans se soucier de leurs évêques. De source interne au diocèse, il n'existe pour l'heure "ni ultimatum, ni sanction" contre les prêtres, sauf "cas flagrant et extrême désobéissance". Et l'on rappelle qu'il existe déjà des exceptions pour donner la communion aux divorcés remariés.
Préserver l'unité
Cet "appel à la désobéissance" risque de mener à un schisme si l'Église catholique n'agit pas rapidement, met en garde le théologien Paul Zulehner, à la fois proche du cardinal Schönborn et du mouvement "Nous sommes l'Église", surtout que les contestataires bénéficient déjà d'un large soutien populaire. Selon un sondage réalisé par l'institut Oekonsult, 71,7% des Autrichiens jugent "juste et adéquate" leur initiative, et 64,7% d'entre eux seraient prêts à signer leur appel à l'insubordination. Le théologien s'est déjà déclaré disponible pour une éventuelle médiation? Car, si Rome compte se montrer inflexible sur le fond des revendications des prêtres en rébellion, le mot d'ordre est de préserver l'unité. (CtB/Apic/LcX/PA)