Le rapport Lalieux voté à l’unanimité
En fin d’après-midi, ce 30 mars, le rapport de la commission Lalieux relative “au traitement d’abus sexuels et de faits de pédophilie dans une relation d’autorité, en particulier au sein de l’Église” a voté son rapport à l’unanimité. Le texte en sera disponible vendredi matin et sera discuté à la Chambre le 6 avril avant d’être voté le lendemain. Par-delà les clivages philosophiques, les députés se sont mis d’accord sur 70 recommandations pour que toujours les victimes puissent parler et soient accompagnées. La proposition d’un tribunal arbitral pour les victimes est faite à l’Église.
“Nous tendons une main à l’Église”, a commenté le député NVA S. Bracke, nous lui proposons un “fair deal”. Après une page d’introduction dédiée aux victimes, en effet, le rapport Lalieux propose à l’Église que l’État mette sur pied une cour d’arbitrage (non judiciaire) pour les situations de pédophilie (instance prévue par la Loi pour d’autres situations). C’est dans ce cadre que devrait se régler notamment les questions d’indemnisation, au cas par cas. Et les députés d’insister que c’est à l’Église d’accepter ou non. En effet, la Commission s’est voulue très respectueuse de la séparation de l’Église et de l’État tout comme elle n’a pas voulu toucher au Droit Canon.
70 recommandations concrètes
Cette proposition – à laquelle les évêques se donnent un peu de temps pour réagir – est suivie de 70 recommandations. Il s’agit de tout faire pour aider les victimes à parler et pour les accompagner au mieux. Ces recommandations s’adressent au Parlement, mais aussi aux Régions et Communautés. Elles concernent la Justice qui a donné au moins l’image d’une non-indépendance – la question du fameux protocole entre la commission Adriaenssens et les Procureurs généraux ayant fait débat –, mais aussi à la police, aux services d’aide, et même à Internet.
Le droit civil et le droit pénal sont également concernés. On notera la recommandation d’allonger le délai de prescription de 10 à 15 ans après les 18 ans de la victime (certains comme le Vlaams Belang, auraient voulu 20). Quant au secret professionnel, il a été maintenu, dans l’intérêt même des victimes, même si la Commission propose quelques aménagements pour faciliter sa levée dans certaines circonstances bien précises. (Notons ici que le secret de la confession est un secret sacramentel et non professionnel. Il relève du culte de l’Église et est donc protégé par la Constitution, NDLR.) La solution n’est pas dans le tout judiciaire ; le secret a besoin d’être maintenu dans le cadre de la relation d’aide.
Il a été demandé que, dans le domaine de la politique criminelle, la lutte contre la pédophilie devienne prioritaire. La tenue à jour des bases de donnée, la mise en route d’études scientifiques ou statistiques ont aussi été recommandées. Un point central de contact devrait être mis en place et confié à Child Focus. Les classements sans suite devront être motivés. L’amélioration de l’accueil des victimes a aussi été souhaitée.
Une problématique élargie
La loi du silence qui a régné dans l’Eglise a été rappelée lors de cet échange très cordial qui a clôturé la séance juste avant le vote. De nombreuses fois, cependant, il a été précisé que la pédophilie ne concernait pas que la seule Église. “La problématique a été élargie au-delà de l’Église”, s’est réjoui le CDNV R. Terwingen, qui a reconnu position difficile pour un parti comme le sien. Il a été notamment fait allusion à la famille (l’affaire de l’évêque de Bruges, qui a déclenché la crise, était en fait familiale, a rappelé un député). Des recommandations concernent donc les animateurs dans les mouvements de jeunes et les clubs sportifs. Une charte rédigée par Child Focus leur sera donnée à signer et ils devraient présenter un certificat de bonne vie et mœurs.
Les travaux sont terminés. Ils auront duré cinq mois, représentant 60 réunions et 110 auditions. Les mercis se sont multipliés. Le député CDH a tenu à souligner le rôle positif qu’avait joué le professeur Adriaenssens dans l’évolution positive de la Commission. Il reste à être vigilant quant à l’application de ces recommandations et à attendre la réaction des Évêques de Belgique. Elle ne devrait pas tarder.
C.D.