Quelque 70.000 personnes, selon les estimations du ministre sénégalais de l'Intérieur, ont participé le 6 février à une marche pour marquer l'ouverture du 11e Forum social mondial (FSM) qui se tient dans la capitale sénégalaise jusqu'au 11 février. Les délégations sont composées essentiellement de membres d'organisations de la société civile, à savoir des associations et mouvements de paysans, des syndicats, mais aussi de nombreux mouvements catholiques et humanitaires, tels Oxfam, ATD Quart Monde ou l'ONG française CCFD-Terre Solidaire (Comité catholique contre la faim et pour le développement).
Le 7 février, la première journée des travaux, était consacré à l'Afrique et à l'accaparement de terres africaines par des conglomérats étrangers, un processus qualifié de "néocolonialisme" spéculateur. Un demi-siècle après son accession à l'indépendance, l'Afrique attise en effet les appétits de nombreux groupes européens ou asiatiques, mais aussi d'Etats, comme l'Arabie Saoudite, qui convoitent ses terres arables. Selon la Banque mondiale (BM), entre août 2008 et octobre 2009, ce ne sont pas moins de 42 millions d'hectares qui ont été achetés dans les pays du sud.
Les participants au FSM réclament plus de justice et d'équité sociales dans le monde, ils veulent bâtir une société planétaire axée sur l'être humain. Le FSM se voulait à l’origine comme un "contre-sommet" du Forum économique mondial de Davos (WEF), considéré comme le "sommet des riches". Il est organisé chaque année, depuis 2000, par des altermondialistes, opposés au néo-libéralisme et à la domination du monde par les forces du "grand capital" et toute forme d'"impérialisme". C'est un espace de rencontres ouvert, qui vise à approfondir la réflexion, le débat d'idées démocratiques, la formulation de propositions, l'échange en toute liberté d'expériences, et l'articulation, en vue d'actions efficaces. Quelque 200 manifestations parallèles sont organisées, parmi lesquelles des conférences, des expositions, des séminaires, etc.
Le dimanche 6 février, veille du début des travaux, après une marche de plus de deux kilomètres, la foule a été rejointe par le président de la Bolivie, Evo Morales. Celui-ci a déclaré que cette forte mobilisation des forces sociales du monde entier est un message "d'opposition à l'impérialisme nord-américain". Il a appelé les pays du sud à "sécuriser" les services sociaux de base que sont l'eau, l'électricité, le téléphone, la santé, entre autres, qui "ne doivent plus être gérés par des privés". En Afrique, a-t-il dit, vous avez connu la domination, nous l'avons également vécue en Amérique latine. Mais c'est à travers le combat de résistants qui ont parfois donné leur vie que nous avons recouvré la liberté".
Selon lui, il est certes utile de lutter contre "l'injustice", mais il faudrait également penser à la prise du pouvoir.
Pour le Tunisien Taoufikh Ben Abdalah, coordonnateur du Forum social africain, celui-ci se tient dans un contexte où le monde est "en train de changer avec l'agonie du système capitaliste… Il ne faut plus permettre à quiconque de nous diviser et de décider de notre avenir. Le Forum de Dakar doit contribuer à changer le monde". L'ancien président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva, qui participait en tant que syndicaliste il y a 11 ans au 1er FSM organisé à Porto Alegre (Brésil), est une nouvelle fois présent à ce rassemblement.
Le coordinateur au Sénégal du programme d'Action de Carême, une oeuvre d'entraide des catholiques de Suisse, Souleymane Bassoum, un agronome sénégalais, a expliqué que ce sont "des comités d'organisation régionaux" qui ont permis la préparation (décentralisée) d'un grand nombre d'activités proposées durant ce FSM. Pour lui, "Ce sera une occasion unique de pouvoir rencontrer et échanger nos opinions avec ceux qui travaillent et construisent selon une perspective similaire à la nôtre. Une possibilité d'apprendre et d'apporter." Il ajoute : "Beaucoup de gens comme nous partent d’une conviction profonde que nous pouvons et devons faire quelque chose, que tout peut changer, que nous ne pouvons pas accepter le présent et la situation actuelle du pays et du monde comme quelque chose de définitif.". Concrètement, "Nous avons dû affronter des problèmes réels : ainsi, la crise de l’électricité a beaucoup conditionné notre fonctionnement et nos communications. A certains moments, nous ne pouvions travailler que 3 heures par jour, faute de courant. (…) Il s'agit d’un événement majeur, mais à un bon moment. Le Sénégal est un pays accessible. Et la société civile s'est investie activement dans la préparation du FSM.".
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