La Commission spéciale relative au traitement d’abus sexuels et de faits de pédophilie dans une relation d’autorité, en particulier au sein de l’Eglise, s’est réunie ce lundi 14 février, avec l’audition de l’abbé Thomas Doyle, prêtre américain et canoniste, suivie par celle de Christian Terras, rédacteur en chef de la revue française « Golias ». Mercredi 16 février, les commissaires ont entendu l’ancien ministre de la Justice Marc Verwilghen (Open VLD), Laurette Onkelinx (PS) également ancien ministre de la Justice, et enfin Stefaan De Clerck (CD&V), ministre de la Justice sous la dernière législature.
La séance parlementaire s’est ouverte par l’exposé de Marc Verwilghen. L’ancien ministre, actuellement avocat, s’est exprimé sur la politique criminelle qu’il mena de 99 à 2003. Il s’est plaint à plusieurs reprises des difficultés qui ont entravé son travail pendant son mandat, et particulièrement la difficile articulation avec le Collège des Procureurs généraux pour la mise en œuvre des recommandations. Il a d’ailleurs plaidé pour que le Collège des procureurs généraux se soumette à un contrôle parlementaire.
A l’époque il eut contact avec Mgr Luysterman, évêque de Gand et référendaire pour les questions d’abus sexuels (nl). En tant que ministre des cultes, il était normal qu’il rencontre l’évêque, qui lui fit part de manière informelle, de son intention de mettre en place un point de contact au sein de l’Eglise. Une commission où les victimes d’abus sexuels trouveraient un lieu de parole pour exprimer leur souffrance. L’évêque de Gand lui précisa que cette commission permettrait à l’Eglise d’intervenir en interne pour prendre des mesures disciplinaires vis-à-vis des prêtres abuseurs. Mgr Luysterman, qui s’était entouré d’avis juridiques, a présenté les statuts de cette commission. Il n’était absolument pas question pour l’évêque de créer quelque instance parallèle à la Justice, avec l’intention d’étouffer des « affaires » au sein de l’Eglise, « jamais je n’ai eu cette impression », a insisté l’ancien Ministre.
Contrairement à son prédécesseur, Laurette Onkelinx, entretenait de bonnes relations avec le Collège des Procureurs généraux. Dans le contexte du dossier de pédophilie lié à la démission de l’évêque de Bruges, elle a pris connaissance par la presse de la note du Collège des procureurs généraux en juillet 2010. Même si la Ministre a exprimé sa confiance dans la bonne foi de son collègue Stefaan De Clerck, concernant le fameux « protocole », elle a dit « ne pas trouver normal de mettre en place un organe de collaboration entre l’Eglise et les parquets, confié à une institution privée. C’est le Ministère public qui doit statuer, le protocole conclu entre les procureurs généraux et la Commission Adriaenssens a creusé une brèche importante au mécanisme judiciaire.»
La discussion autour de ce fameux « protocole », « accord » ou « régulation » conclu entre le Ministre et la Commission Adriaenssens, aura occupé la plus grande partie de l’audition du ministre De Clerck. De même que les deux autres ministres n’y étaient favorables, les commissaires ont prouvé par un tir nourri de questions, leur désaccord par rapport à cette initiative.
Suite à la démission de l’évêque de Bruges, la commission Adriaenssens se trouve noyée sous l’afflux de plaintes relatives à des abus commis par des prêtres. C’est à ce moment que Stefaan De Clerck envoie une lettre (5 mai 2010) à la Commission Adriaenssens, pour voir de quelle manière gérer cette masse de dossiers. Il s’agissait de définir une méthode de travail et de concertation. Suite à ce courrier, une réunion avec le Collège des Procureurs généraux a lieu le 18 mai. Il faut que justice soit rendue aux quelques 360 victimes et que l’Eglise prenne ses responsabilités. Adriaenssens veut transmettre un maximum de dossiers à la Justice. Il les classe selon trois catégories : ceux qui ne sont pas prescrits, ceux qui le sont mais dont les victimes réclament une sanction, et troisièmement les dossiers où les plaignants veulent garder également l’anonymat des abuseurs. Au procureur fédéral de dispatcher les dossiers vers le parquet compétent. Pour le ministre, ce texte de régulation qui devait organiser les « flux » ne déléguait en rien à la Commission Adriaenssens les prérogatives du ministère public en matière de poursuites. « Il s’agissait simplement d’une manière d’organiser les flux d’information et la transmission des dossiers d’abus sexuels vers le bon parquet. Il ne s’agissait pas de faire une justice parallèle, au contraire, tout a été fait avec la plus grande prudence, en mettant l’accent sur les responsabilités de chacun. Le Collège n’entendait pas que le ministère public se départît de ses prérogatives et rende des avis à la Commission. L’autonomie a été pleinement préservée. Il n’y a donc pas eu d’accord ou de protocole entre la Commission et le Collège, a insisté le ministre.
Les prochaines séances feront entendre des experts dans les dossiers de pédophilie commise au sein de l’Eglise d’Irlande et des Pays-Bas. Des responsables du monde sportif, hospitalier, internat, seront également entendus suite aux cas d’abus sexuels commis à l’intérieur de ces communautés.
B.L.