Auditions de Paul Van Thielen, directeur général de la police judiciaire fédérale; Glenn Audenaert, directeur de la police judiciaire fédérale de Bruxelles; Eric Jacobs, directeur des opérations de la police judiciaire fédérale de Bruxelles et Peter De Waele, inspecteur principal de la cellule pédophilie de la police judiciaire fédérale de Bruxelles.
Paul Van Thielen a débuté la séance d'audition en présentant quelques statistiques concernant les faits de mœurs en Belgique. En général, il y a peu de dénonciations de ces faits par les victimes; pas plus de 10%. Actuellement, les plaintes ont légèrement augmenté vu que l'on en parle plus dans les médias. On estime que 6.000 faits de mœurs (attentats à la pudeur, viols, tentatives de viols, …) sont commis par an dont 15% dans une relation d'autorité. Il est rare que la police soit confrontée à des délits de mœurs dans l'Eglise; seulement 6 à 15 faits par an, mais ces chiffres ne sont pas fiables (enregistrements du statut de l'abuseur, victimes majeures et mineures).
Des questions de parlementaires ont porté sur le fait de savoir s'il y avait eu des pressions éventuelles sur la police de la part de certaines autorités et hiérarchies, P. Van Thielen a répondu par un non catégorique. G. Audenaert et E. Jacobs ont demandé le huis clos pour répondre à cette question.
Suite à d'autres questions de parlementaires, le directeur général s'est exprimé sur une éventuelle convention entre la commission Adriaenssens et la justice au sujet de la transmission ou non des faits de pédophilie dans l'Eglise. P. Van Thielen a effectivement appris l'existence de cette convention. 400 dossiers devaient lui être transmis afin qu'il en assure la coordination. Mais seulement 13 d'entre eux lui ont finalement été transmis; 13 dossiers jugés non-prescrits par la commission Adriaenssens. P. Van Thielen insiste sur le fait que la commission Adriaenssens avait reçu la confiance des plaignants et que ces personnes ne seraient jamais venues porter plainte directement à la police.
La présidente, Carine Lalieux, précise alors qu'elle ne fait pas ici une critique de la commission Adriaenssens, mais qu'elle se pose la question de l'existence de cet accord entre la commission et la justice. Glenn Audenaert, directeur de la police judiciaire fédérale de Bruxelles, a affirmé ne jamais avoir entendu parler d'une telle convention qui accorderait certains pouvoirs à une commission privée. Peter De Waele a tenu à répondre à huis clos.
La commission "Abus" en est alors arrivée à l'audition de Peter De Waele. Son intervention fut de loin la plus documentée et la plus intéressante. Cet inspecteur est un homme de terrain avec 16 ans de pratique dans l'audition de mineurs abusés et de suspects pédophiles. Il fournit des chiffres interpellants en dressant le profil d'un pédophile: 31% sont des connaissances ou vivent dans l'entourage de l'enfant. 29% sont des amis de la famille. 18% sont des inconnus. 17% font partie de la famille. 97% des pédophiles sont des hommes. 30% sévissent une fois. 33% pendant plus d'un an. 30% des pédophiles ont entre 30 et 39 ans. 58% n'ont pas d'antécédents et 53% vivent seuls.
En ce qui concerne les auditions de mineurs, celles-ci doivent être enregistrées afin que le mineur ne doive parler qu'une seule fois. La pièce d'audition est chaleureuse, mais pas de jouets ou de bonbons à disposition, car ces sortes d'objets sont souvent utilisés par les abuseurs. Trois piliers sont incontournables dans une audition: le respect, être en phase avec l'enfant et ne rien présenter de façon suggestive. Les enquêtes demandent du temps, mais surtout du professionnalisme; ce dont ne manque apparemment pas l'inspecteur principal.
"Il faut aller voir ce qui se fait ailleurs" insiste P. De Waele en parlant notamment de la charte 'Child save' en Grande-Bretagne, signée par différents mouvements ayant des contacts avec des jeunes. Par exemple, un point de cette charte est qu'aucune remarque d'ordre sexuel ne peut être dite, même si c'est pour faire une blague.
Il y a aussi le suivi des abuseurs qui doit être mis en place, dit P. De Waele. C'est la mission de la police. Avant, le policier allait vérifier tous les 6 mois environ où résidait et où travaillait l'abuseur; quels loisirs il avait, … Un pédophile surveillé par la police va moins s'infiltrer dans des réseaux de jeunes.
Et Peter De Waele de conclure par cette phrase magnifique entendue chez Child Focus: "Dire tous les jours à ses enfants qu'on les aime et qu'on est fier d'eux, sinon quelqu'un d'autre le fera."
Sylviane BIGARÉ