Chaque printemps, les sacrements rythment la vie des communautés chrétiennes. Mais leur signification, leur ordre et leur célébration diffèrent selon les époques et les lieux. Retour sur l’histoire et le sens des sacrements à travers le regard de deux théologiens.
Un héritage ancien qui évolue
Les sacrements de l’initiation chrétienne – baptême, confirmation et eucharistie – ont connu au fil des siècles des évolutions notables. « Les premiers chrétiens étaient des adultes qui découvraient la foi et demandaient le baptême », rappelle Christophe Herinckx, théologien et journaliste. À l’époque, l’initiation se vivait principalement lors de la nuit pascale : « Ils étaient baptisés, confirmés, et recevaient l’eucharistie dans la même célébration, ce qui est tout à fait logique puisque ces sacrements nous font participer à la mort et à la résurrection du Christ. »
Au fil des siècles, la pratique du pédobaptisme – le baptême des enfants – s’est généralisée en Occident. « Cela a provoqué une dissociation entre le baptême et la confirmation, qu’on a réservé à l’évêque », explique Benoît Bourgine, professeur de théologie à l’UCLouvain. Ainsi, la confirmation et la première communion sont progressivement devenues des étapes distinctes de l’initiation, célébrées à des âges différents.
Des pratiques diocésaines variées
Aujourd’hui encore, l’ordre des sacrements n’est pas uniforme. Depuis un texte des évêques de Belgique en 2012, les diocèses francophones ont proposé de revenir à la séquence originelle : baptême, confirmation, eucharistie. À Bruxelles, par exemple, les enfants commencent une catéchèse vers 9 ans, qui les mène à la confirmation et à la première communion vers 11 ans. « Mais il y a des variantes d’un diocèse à l’autre », souligne Christophe Herinckx, et parfois même d’une unité pastorale à l’autre.
Ces différences reflètent l’adaptation de l’Église aux réalités locales, mais aussi un souci pastoral : permettre aux enfants et aux jeunes de cheminer dans la foi en tenant compte de leur maturité et de leur contexte familial.
La vigile pascale : un moment privilégié
Les deux invités de Décryptages insistent sur le sens profond des sacrements reçus à la vigile pascale, en particulier pour les adultes catéchumènes. « C’est un événement d’Église qui a tout son sens. Le baptême d’adultes pendant la nuit pascale marque la continuité avec l’Église de l’Antiquité et souligne l’unité entre mort et résurrection du Christ et naissance à la vie chrétienne », explique Benoît Bourgine. Christophe Herinckx ajoute : « C’est super signifiant de les recevoir à ce moment, car cela stimule la communauté paroissiale et rappelle à tous le cœur de notre foi. »
Une dimension communautaire essentielle
Si certains parents souhaitent organiser les sacrements « à la carte » pour des raisons pratiques ou familiales, les invités rappellent l’importance du lien communautaire. « Les sacrements, ce n’est pas mon Dieu et moi, mais l’Église qui nous initie et nous fait participer à la vie reçue du Seigneur », souligne Benoît Bourgine. « Il y a du sens à recevoir les sacrements avec le groupe avec lequel on s’est préparé, car des liens se créent aussi entre les enfants », renchérit Christophe Herinckx.
Dans un contexte de sécularisation, les diocèses encouragent d’ailleurs l’implication des parents, notamment par des catéchèses spécifiques. « Les parents restent les premiers éducateurs à la foi. Il faut leur redonner le sens de cette initiation, qui n’est pas juste un rite, mais un chemin », conclut Christophe Herinckx.