Retrouvez le commentaire de l’évangile du Dimanche des Rameaux et de la Passion du Seigneur par le père Eric Vollen : « La Passion inachevée »


Partager
Retrouvez le commentaire de l’évangile du Dimanche des Rameaux et de la Passion du Seigneur par le père Eric Vollen : « La Passion inachevée »
Par Père Eric Vollen, sj
Publié le
3 min

Le calvaire de Jésus de Nazareth a pris fin. Une histoire douloureuse et scandaleuse, mais passée. Elle s’est d’ailleurs bien terminée. Le "Prince de la vie" que les Israélites avaient fait mourir, Dieu l’a ressuscité des morts (Act 3,15). Il est pour toujours le Vivant. Faut-il donc encore aujourd’hui évoquer la flagellation, le sang et les larmes? La passion du Christ nous renvoie à nous-mêmes. Elle nous accule aujourd’hui à un rigoureux et pénible examen de conscience. La Passion est inachevée. La Passion continue.

Proclamer la Bonne Nouvelle et en vivre est assurance de persécution. Tout prophète qui dit la vérité sera tôt ou tard exécuté, sinon physiquement, du moins moralement. La Bible fourmille d’exemples… Jean-Baptiste y a laissé sa tête. Le Galiléen perturbateur a fini sur une croix. L’histoire est truffée d’exemples: Martin Luther King, Oscar Romero, les martyrs du Salvador… Où est donc aujourd’hui notre place sur l’échiquier où s’affrontent la lumière et les ténèbres, la Bonne Nouvelle du Messie et les mirages du monde, l’esprit de service qui libère ou celui de domination qui écrase?

Aujourd’hui, nous pouvons nous tromper de Messie et refuser celui qui nous fait courir le risque "des outrages et des crachats". Nous pouvons accueillir le Nazaréen, devenir son disciple, mais l’abandonner aux heures de contradiction. Nous pouvons être Jean qui fuit, Pierre qui renie, Pilate qui se lave les mains, la foule qui applaudit le rayonnement du prestige, mais hurle "Crucifie-le!" quand la vedette a fini de plaire aux grands et aux puissants… Nous sommes peut-être abattus, découragés et impuissants aux pieds de l’innocent crucifié.

Comme au temps d’Isaïe ou de Jean-Baptiste, nous n’aimons guère un envoyé du ciel qui ne revendique pas "son droit d’être traité à l’égal de Dieu", mais qui, au contraire, "se dépouille lui-même en prenant la condition de serviteur". Pas plus aujourd’hui qu’il y a deux mille ans, nous n’aimons les prophètes qui ne portent pas de gants, même si Jésus n’a jamais été tendre envers ceux qui lui paraissaient être la source des injustices et des iniquités ou rebelles à la conversion et aux nécessaires réformes.

En montant une dernière fois à Jérusalem, Jésus montre la mesure de son humilité et de sa détermination. Empruntant un ânon, la tesla du pauvre, Jésus déçoit sans doute la foule quelque peu déchaînée qui rêve de libération nationale. Il n’entrera pas à cheval dans Jérusalem reconquise. Il est cependant entré consciemment dans le piège qui va se refermer sur celui qui vient lancer le défi de la Bonne Nouvelle, sans précautions oratoires, sur le terrain même où les pouvoirs l’ont déclaré dangereux pour l’Etat et pour la religion.

Il faudra choisir. Jésus a choisi en célébrant l’eucharistie. La fidélité à son Père et à sa mission. Le vrai salut des hommes est un service et un don… au risque de la vie. Ses détracteurs et ses bourreaux ont même cru bien faire et plus d’un aura "rendu grâce à Dieu". Jésus sollicitera leur pardon: "Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font."… Mais la Passion continue et le Christ ne cesse d’être recrucifié. L’actualité nous en donne de nombreux exemples.

Père Eric VOLLEN, sj


Dans la même catégorie