Jour d’après. Après la catastrophe, après l’échec, après l’horreur. Jour de désillusion, de défaite, de découragement. L’horizon s’est assombri, il est même complètement bouché. Et pourtant, ce jour devient premier, porte ouverte sur une renaissance, un avenir. Tout bascule: de la peur à la paix; de la nuit à l’aurore; des portes verrouillées à un Souffle novateur.
Les disciples sont là, ensemble, terrés dans leur angoisse. Mais toi, Thomas, tu es absent. Tu ne vis pas ce surgissement de vie, quand Jésus est soudain présent au milieu d’eux. Où es-tu, Thomas? Que fais-tu dehors? Qu’éprouves-tu? Avais-tu besoin de solitude, de changer d’air? Tu n’avais pas peur des juifs? Pas peur d’affronter des ennemis qui pourraient, eux aussi, te mettre à mort? Il est sans doute bien loin, ce temps où tu disais aux autres disciples: "Allons, nous aussi, et nous mourrons avec lui!" (Jn 11,14). Qu’avais-tu compris de ce qui se jouait autour de Lazare? Et d’où te venait cette assurance enflammée? Certes, depuis ce moment auprès de Lazare, Marthe et Marie, le chemin est devenu de plus en plus dangereux et risqué: il y a eu l’entrée triomphale à Jérusalem, le dernier repas et le lavement des pieds, la trahison de Judas. Et puis, Jésus vous a dit de nombreuses paroles, pour vous réconforter "Que votre cœur ne se trouble pas" (Jn 14,1), et pourtant encore incompréhensibles pour vous, ses disciples. Tout cela, le vécu et les paroles de Jésus a été bien perturbant intérieurement. N’as-tu pas dit à Jésus: "Nous ne savons même pas où tu vas, comment en connaîtrions-nous le chemin?" (Jn 14,5).
Le parcours n’est pas celui que tu avais imaginé, pas plus que les autres disciples. Mais voilà que le jour où tout bascule, tu n’es pas là. Bien sûr, tes frères dans la foi vont te raconter ce qui s’est passé, s’exclamer avec enthousiasme qu’ils ont vu le Seigneur, mais toi, tu ne peux pas te contenter de leurs affirmations. Tu as besoin de plus. Ce plus t’est offert huit jours plus tard, comme si le temps était nécessaire pour accéder à une autre relation. Ou plutôt pour vivre autrement la présence du Christ. Si celui-ci est passé de la mort à la vie, il n’est plus besoin des marques de la crucifixion. Ce qui importe, c’est, dans un premier temps, la parole qui s’échange. Alors, le toucher n’est plus nécessaire. Il n’est plus besoin de poser un geste concret. De la parole de Jésus surgit ta profession de foi. Nous te retrouvons bien, toi l’homme passionné et engagé dans une exclamation qui résume tout. Il t’a suffi de quatre mots qui en disent long sur le lien qui existe entre toi et Jésus. Comme une évidence lumineuse, à présent.
Tu nous apprends, Thomas, à vivre l’absence de l’être aimé. La relation se transforme mais n’est pas supprimée. Le lien ouvre à la Présence.

Où es-tu Thomas? Maintenant, tu le reconnais, tu le vis: dans le cœur de Dieu.
Marie-Thérèse HAUTIER