Chaque année, à l’occasion de la Saint-Valentin, on se pose la question de son origine. Selon la version généralement relayée, Valentin aurait été un prêtre du III siècle, mort en martyr à Rome pour avoir célébré des mariages en secret. Pour le père Robert Godding, jésuite membre de la Société des Bollandistes, il s'agit d'une légende. Il nous dévoile la véritable origine de la fête des amoureux.
D’où vient la tradition qui fait de saint Valentin le patron des amoureux ? Beaucoup se sont efforcés de trouver un lien dans les récits légendaires du martyre des deux saints Valentin, celui de Rome et celui de Terni, tous deux fêtés le 14 février (et qui ne sont probablement qu’un seul et même martyr, mis à mort dans la seconde moitié du IIIe siècle). À défaut d’en trouver, ils l'ont inventé ! Ainsi, on fait de Valentin un prêtre qui célébrait des mariages de soldats malgré l’interdiction de l’empereur (notons que la liturgie chrétienne du mariage n’est pas antérieure au 12e siècle !). En fait, la tradition nous vient à la fois d’Italie et d’Angleterre, et elle n’a rien à voir avec la vie de saint Valentin.
"Ce jour, les oiseaux commencent à chanter..."
En Italie, le printemps est plus précoce qu’au nord des Alpes. Se basant sur d’anciens calendriers romains, le moine anglais Bède le Vénérable (v. 672-735), composant son traité De temporum ratione, ajouta en appendice un calendrier. On croyait ce calendrier perdu, jusqu’au jour où le médiéviste Paul Meyvaert en publia l’édition dans un important article de la revue des Bollandistes Analecta Bollandiana (tome 120, 2002). À la date du 13 février, on trouve la mention : "Hic aves incipiunt cantare et ascendere". Traduction : "Ce jour, les oiseaux commencent à chanter et à s’accoupler". Plusieurs siècles plus tard, on trouve un écho de cette tradition italienne des premiers signes du printemps en février chez le grand poète anglais Chaucer (v. 1340-1400) dans son "Parlement des Oiseaux" ; il associera cette tradition au saint fêté le 14 février, dont le nom avait une consonance si charmante :
For this was on seynt Valentynes day, whan every foul cometh there to chese his make (309-310)
Car c’était le jour de la Saint-Valentin, quand chaque oiseau vient pour choisir son âme-soeur
Ces vers sont à l’origine de la tradition liant la Saint-Valentin aux amoureux. Comme l’a montré Paul Meyvaert, des proverbes populaires italiens soulignent parfaitement cette connexion entre la Saint-Valentin et l’accouplement des oiseaux : "Per San Valentin la lodola fa il nidin" (Venise) ; "A San Valentin, la passara fa el nialin" (Vérone) ; "A San Valentino, ogni uccello ripiglia il suo cammino" (Abruzzes) ; "Per San Valentino, primavera sta vicino" (Toscane).
Robert GODDING (titres et chapeau de la rédaction)
Qui sont les Bollandistes ?
La Société des Bollandistes a été fondée à Anvers au début du XVIIe siècle par les Jésuites belges. La en fut confiée au jésuite Jean Bolland. Dès son origine, l'objectif principal de cette organisation fut l'étude critique de la vie et du culte des saints. La Société des Bollandistes est la plus ancienne société savante toujours en activité en Belgique.
En 1643 paraissaient les deux premiers tomes de la collection des Acta Sanctorum, dont le but était d'éditer, en suivant l'ordre du calendrier liturgique, les Vies écrites des saints. Une formidable collection de volumes consacrés aux saints de l'Église catholique, tentant de séparer les faits connus des légendes qui se sont attachées aux saints. L'entreprise s’interrompit malheureusement en 1925, à la fête du 10 novembre.
La bibliothèque des Bollandistes, située à Etterbeek, contient plus de 500 000 livres, manuscrits, imprimés et gravures, sur cinq étages. Une source de recherches historiques inestimable !