« Nous avons besoin de prier pour que ce projet aboutisse »: les forces vives de l’Eglise francophone belge planchent sur la question des ministères


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« Nous avons besoin de prier pour que ce projet aboutisse »: les forces vives de l’Eglise francophone belge planchent sur la question des ministères
Sur l'estrade, le professeur émérite Henri Derroitte ©CathoBel
Par Vincent Delcorps
Publié le - Modifié le
5 min

Ce jeudi 30 janvier se tenait la traditionnelle journée de théologie pastorale dans les auditoires de l'UCLouvain. Au programme: un sujet technique, pas mal d'enthousiasme, mais aussi de très nombreuses questions...

Exit, les étudiants - ils sont au ski. En ce jeudi pluvieux, c'est une assemblée d'adultes qui a envahi l'auditoire Montesquieu 11. Assemblée plutôt joyeuse: il règne comme un esprit de grandes retrouvailles. Et nombreuse: 400 inscrits cette année, c'est bien plus que les années précédentes. Parmi eux, de nombreux agents pastoraux, mais aussi plusieurs responsables, dont Mgr Harpigny, Mgr Warin, Mgr Kockerols, Rebecca Alsberge et Tony Frison. Une délégation de l'archidiocèse de Luxembourg est également présente.

Le difficile chemin interdiocésain

Est-ce parce que le thème est enthousiasmant que les participants ont répondu présents? Ou plutôt parce qu'il est complexe - et qu'il nécessite un véritable approfondissement ? Difficile à dire. Durant toute la matinée, les exposés oscillent entre enthousiasme missionnaire et nombreuses questions.

On résume: en 2021, le pape François publie Spiritus Domini  et Antiquum ministerium. Ces textes invitent les Eglises locales à avancer dans la voie des ministères institués - singulièrement ceux de lecteur, d'acolyte et de catéchiste. Des ministères dorénavant ouverts aux hommes comme aux femmes. En Belgique, les réactions sont timides. S'approprier le chantier de façon interdiocésaine n'est pas évident, d'autant que deux évêques approchent de la pension. Et que les visions ne sont pas partout les mêmes.

Les quatre éléments

De manière pionnière, c'est Liège qui prend les devants. Comme l'explique le théologien Henri Derroitte, délégué épiscopal à la synodalité et à la formation, quatre éléments président à ce choix. Des raisons historiques ("l'ordre ministériel de l'Eglise est complexe et ancien") et l'expérience récente du processus synodal (qui a mis en avant l'importance de favoriser la proximité de l'Eglise) tout d'abord. Mais aussi le fait que l'Eglise est fondamentalement pluri-ministérielle - "nommer des ministres institués n'est pas une façon de promouvoir certains au détriment des autres, ni une manière de concurrencer les ministres ordonnés". Dernier point: l'innovation. Ou, pour reprendre Derroitte, "la joie de créer". Dans un contexte où "on a parfois l'impression que l'Eglise en Belgique ne cesse de recevoir des coups. Où certains lui reprochent d'être périmée dans son fonctionnement".

Reste à déterminer comment faire. Pilotant le processus liégeois, Delphine Mirgaux indique l'intimité du lien qui unit la question des ministères institués à celle de la synodalité. Dans les deux cas, elle souligne l'importance du temps et de l'écoute. Elle indique aussi l'importance de s'appuyer autant sur les textes du Magistère que sur les avis exprimés par le peuple de Dieu. Pour elle, "la participation de tous ne peut se faire que dans un esprit de communion. Dans cette conscience que c’est le Christ lui-même qui nous guide et nous anime afin que nous grandissions ensemble".

journée de théologie pastorale 30 janvier 2025 UCLouvain
Une assemblée nombreuse et joyeuse ©CathoBel

La prière et l'intelligence

Reste que les questions ne manquent (vraiment!) pas. Certaines sont effleurées. Comment faire si un ministre institué emménage dans un diocèse qui ne le reconnaît pas? Comment dialoguer avec la supérieure d'une religieuse qui se sentirait appelée? Une autre question n'apparaît étonnamment pas dans les échanges - mais est abondamment discutée au moment de la pause café : comment articuler le rôle de ces futurs nouveaux ministres avec celui des agents pastoraux rétribués par l'Etat - et bénéficiant du titre de... ministre du culte ?

"Mgr Delville a la ferme volonté de faire aboutir ce dossier", insiste Henri Derroitte, "il ne cesse de le mettre en débat". Mais le théologien sait que la volonté épiscopale ne suffit pas. "Pour que ce dossier aboutisse, nous avons besoin de vos prières", s'ouvre-t-il, en appellant aussi à l'intelligence des baptisés.

"Quelqu'un avec qui il faut compter"

Jean-François Chiron approfondit la réflexion au départ de l'articulation, centrale dans l'Eglise, entre "tous", "quelques-uns" et "un". Sur la question des ministères, "tous ne sont pas appelés", détaille le théologien français. "Quelques-uns uns le sont. Puis se pose la question du discernement. Ultimement, c’est l’évêque qui juge, puisqu’il appelle. Mais il ne discerne pas seul. La communauté locale est concernée. Un certain nombre de ses membres participent au discernement."

Et le prêtre de préciser que l'épiscopat français a longtemps été réticent à l'institutionnalisation de ministres. Cela est-il bien nécessaire... alors que tant de gens exercent déjà pareilles missions sur le terrain? L'homme estime que oui. "Il s’agit de conférer un statut à une personne qui exerce une mission donnée. Et ce statut comporte des droits et des devoirs publiquement énoncés. Cela permet d'éviter un certain flou. Les bénévoles font vivre l'Eglise, mais on peut s'interroger sur la question de leur reconnaissance, de leur appel, de la fin de leur mission. Un ministre, c’est quelqu'un avec qui il faut compter. Il n’agit plus en son nom personnel. Il représente l’Eglise."

La désignation de nouveaux ministres pose donc la question de l'appel et du discernement. Une question approfondie par l'Assomptionniste Sophie Ramond. Professeure d'exégèse à l'Institut catholique de Paris, elle parcourt quelques Textes - Elie, la visitation, les Actes des Apôtres - permettant de faire émerger des clés. Et de faire apparaître "la nécessité du dialogue comme lieu d’un discernement partagé".

En après-midi, la journée se poursuivra par des ateliers en petits groupes. L'occasion de favoriser le partage d'expérience et d'arguments, notamment au départ de réalités vécues à l'étranger.

Vincent DELCORPS


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