Sacrée question que Jésus pose à ses disciples, Il a accumulé avec eux des merveilles qui le montrent capable de vaincre le mal et la mort. Tant de malades guéris, tant de démons chassés ont éveillé l’espoir d’un monde nouveau. C’était vraiment la bonne nouvelle de libération. Or, ce qui va suivre dans l’évangile de Marc n’aura plus rien de cela: ce sera l’annonce de la souffrance et de la mort. Voilà la vraie question que nous pose Marc: "Qui est-il?"
A ses disciples, Jésus annonce sa souffrance et sa mort. Il attend que nous suivions non pas un Messie marchant vers le triomphe, mais un homme venu pour servir. Il lui faudra souffrir, être rejeté par toutes les autorités légales, officielles, civiles et religieuses, et être mis à mort.
Sauveur ou libérateur - "Pour vous, qui suis-je?", c’est à nous que Jésus la pose aujourd’hui. Nous en sommes peut-être encore au stade des apôtres: il est un Jésus puissant, mal défini, "qui sauve". Sur certaines voitures, nous voyons parfois ce badge "Jésus sauve". Mais de quoi? Des dangers, des difficultés? Je préférerais dire qu’il libère.
Ne répétons pas trop vite une réponse apprise par cœur, ou que nous aurions encore en mémoire de notre catéchisme ou de nos cours de religion. Un Jésus venu pour servir, qui aime à en mourir, sommes-nous prêts à le suivre? Ou voulons-nous un Christ triomphant, une Eglise triomphante? Que dites-vous que je suis? Que voulez-vous que je sois pour vous? Jésus n’est pas amnésique de sa divinité, mais il est vrai qu’il n’a pour nous que la réalité que nous lui reconnaissons. Et notre réponse lui tient à cœur.
Un enjeu de vie - Quand Jésus nous pose cette question: "Est-ce que vous m’aimez encore, une fois que je vous révèle qui je suis vraiment?", il ne veut pas nous culpabiliser. Ni forcer notre réponse. Il veut une réponse libre. Sa question interroge notre vie et notre relation avec lui. "Etes-vous prêts à marcher derrière moi, à aller jusqu’au bout de l’amour en donnant vous aussi votre vie, par amour?" Il nous interpelle dans la vérité de nos choix de vie, dans l’authenticité de nos actes. En couple, en famille, avec nos amis, au travail ou dans nos engagements, dans les inévitables conflits de la vie…
Nous sommes souvent comme Pierre. Nous avons peur de suivre un Messie crucifié, bafoué, humilié, qui endure tout cela par amour. Nous aimerions que ce Jésus, Fils de Dieu, soit fort comme les puissants du monde, semblable aux images païennes de Dieu, à l’image de Neptune, de Jupiter ou de Vulcain. Admettre que Jésus soit le Fils de Dieu, l’image du Père, c’est reconnaître que Dieu aime le premier comme Jésus, que Dieu démissionne de sa force toute-puissante pour partir en quête du "oui" des hommes. C’est aussi entendre l’appel à une réponse libre, aimante, à un don de plus en plus total, comme Jésus, le modèle de notre réponse. C’est reconnaître que par Jésus, Dieu se lie à tous les hommes, jusqu’aux plus pauvres et aux plus méprisés.
Père Eric VOLLEN, sj