Le pape François a quitté, ce vendredi, Jakarta, en Indonésie, pour rejoindre la Papouasie-Nouvelle-Guinée, marquant la fin de sa visite apostolique. Lors de cette dernière journée en terre indonésienne, le Saint-Père a béni un tunnel à la symbolique forte dans ce pays à majorité musulmane : un passage qui relie la mosquée Istiqlal et la cathédrale Notre-Dame-de-l’Assomption.
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Avant de célébrer la grande messe au stade de Jakarta, le pape François et le grand imam Nasaruddin Umar ont signé un appel conjoint pour lutter contre l’instrumentalisation religieuse des conflits et contre le réchauffement climatique. Ils ont ensuite inauguré ensemble le tunnel Silatuahmi, qui fait désormais le lien entre ces deux hauts lieux de culte.
Un tunnel pratique, mais surtout symbolique
Ce tunnel permet de traverser aisément "dans cette ville qui est très encombrée", explique Carine Thibaut, directrice générale d’Amnesty International Belgique, dans l’émission Décryptages. Mais au-delà de cet aspect fonctionnel, ce passage souterrain porte un message bien plus puissant.
Le terme Silatuahmi signifie "tunnel de l’amitié". En bénissant cet ouvrage, le pape François fait de ce geste un acte symbolique fort, dans le cadre d’une visite apostolique placée sous le signe du dialogue interreligieux. Le symbole est d’ailleurs souligné par le grand imam Nasaruddin Umar et le cardinal Suharyo, qui ont confié leur émotion au journal La Croix. "C’est le signe de la tolérance de l’Indonésie à l’égard des autres religions", affirme le grand imam. Le cardinal, quant à lui, déclare que "ce tunnel est historique, une alliance forte avec nos frères musulmans, gage d’une indéfectible harmonie".
Un projet pour renforcer le dialogue
L’idée de ce tunnel est née en 2021, lorsque le président Joko Widodo a suggéré au grand imam Nasaruddin Umar et au cardinal Ignatius Suharyo, archevêque de Jakarta, de profiter des travaux de rénovation de la mosquée Istiqlal pour créer un lien physique entre les deux édifices religieux. Ces lieux, séparés seulement par une route très fréquentée, se trouvent à quelques dizaines de mètres l’un de l’autre.
Après un an de travaux et quelques années supplémentaires pour la réalisation des œuvres d’art qui ornent le tunnel, celui-ci sera ouvert au public cet automne. D’une trentaine de mètres de long, il relie désormais la mosquée et la cathédrale, créant un espace propice à la prière et à la méditation. Selon les journalistes de La Croix qui ont pu s’y rendre, l’atmosphère qui règne dans ce lieu invite à la réflexion et au recueillement.
Le pouvoir limité des symboles
Bien que la symbolique de ce tunnel et des œuvres d'art qu’on peut y découvrir — comme une poignée de main géante entre deux personnes de confessions différentes — soit forte, il convient de souligner ses limites. "L’islam n’est pas structuré de la même façon que l’Église catholique", rappelle Carine Thibaut. Ce message puissant, bien que très significatif à Jakarta, n’aura pas nécessairement la même résonance ailleurs dans le monde, faute d’une figure unique représentant l’islam. Par conséquent, l’influence de ce tunnel pourrait ne pas dépasser les frontières de l’Indonésie.
Pour autant, cela ne signifie pas que cette initiative soit sans importance. Selon la directrice générale d’Amnesty International Belgique, les discours du pape ne transformeront pas le monde du jour au lendemain. "L’influence du pape est surtout morale, et principalement sur des sujets liés à l’Église."
Elle ajoute : "Je pense que c’est un peu moins fort sur la question de la paix, mais ça ne veut pas dire que cela ne compte pas. C’est extrêmement important qu’il ait ce discours de paix, car s’il ne l’avait pas, ce serait bien plus grave. Il aurait un impact non négligeable, car cela signifierait que la paix ne compte plus pour l’Église catholique et que ce message n’est plus transmis aux croyants."