Retrouvez le commentaire de l’évangile du 20e dimanche du Temps Ordinaire B par le frère Laurent Mathelot: « Cannibales de Dieu ? »


Partager
Retrouvez le commentaire de l’évangile du 20e dimanche du Temps Ordinaire B par le frère Laurent Mathelot: « Cannibales de Dieu ? »
Mosaïque, cathédrale Saint-Isaac de Saint-Pétersbourg, Russie.
Par Laurent Mathelot
Publié le
3 min

Dans l'Evangile du jour [Jean 6, 51-58], Jésus nous dit "Ma chair est la vraie nourriture, et mon sang est la vraie boisson". Cela fait-il des chrétiens des "cannibales spirituels" ? Réponse avec le frère Laurent Mathelot o.p.

Il y a une sorte de mysticisme qui imprègne le cannibalisme: la croyance venue du fond des âges que se nourrir de la chair d’un humain, c’est se nourrir de sa force, de son esprit, de son âme. Manger son ennemi permettait alors d’absorber sa vaillance.

Très tôt aussi, les Chrétiens eux-mêmes ont été accusés de cannibalisme. Justin Martyr le rapporte dès milieu du IIe siècle, certains philosophes païens propageant l’idée de sacrifices humains durant la messe. Mais même la finale du chapitre 6 de l’Evangile de Jean, dont nous venons de lire un extrait, témoigne de l’incrédulité des disciples, face à l’affirmation radicale de Jésus: "celui qui me mange, vivra par moi" (Jn 6, 57).

La suite du texte, nous donne à comprendre que les disciples entendaient le discours du Christ de manière littérale, à tel point que l’Evangile rapporte qu’à ce moment-là, des disciples le quittent: "Cette parole est rude! Qui peut l’entendre?" (6, 60). Jésus s’interroge – "Cela vous scandalise?" (6, 61) – mais il ne les dément pas. Il ira jusqu’à questionner les Douze: "Voulez-vous partir, vous aussi?" (6, 67).

L’acception littérale est toujours l’interprétation de l’Eglise aujourd’hui: littéralement, nous mangeons le corps et buvons le sang du Christ à chaque messe. Et c’est un point de doctrine – la présence réelle de Dieu dans l’eucharistie – qui interroge encore des chrétiens de nos jours, certains étant prompts à la réduire à la spiritualité d’un repas partagé entre amis.

Il n’y a pourtant pas de doute que le Christ entendait littéralement le pain et le vin consacrés comme sa chair et son sang, au risque même de perdre des disciples incrédules voire scandalisés. Nos eucharisties sont bien plus qu’un moment convivial autour d’un repas partagé, il s’agit avant tout d’ingérer de la substance divine et de s’en nourrir autant physiquement que spirituellement. Il s’agit bien de manger (littéralement mâcher) le Christ.

Notre corps n’étant constitué que de la nourriture que nous ingérons, manger le Christ, c’est soi-même se transformer charnellement en Christ. Comme le dit le chant bien connu: "Devenez ce que vous recevez. Devenez le corps du Christ." Si on veut l’entendre ecclésialement, on doit l’entendre individuellement. Il s’agit en effet, aussi, qu'à travers nous la divinité s’incarne, que nous éprouvions dans notre chair l’amour de Dieu comme le Christ lui-même l’éprouve.

Dès lors, pour revenir à notre question initiale, sommes-nous des cannibales spirituels? Assurément non. Le cannibalisme, c’est manger les morts en espérant gagner leur esprit tandis que nous mangeons un corps rendu vivant par l’Esprit Saint. C’est la vie divine et non la mort humaine que nous mangeons.

Il y a un vrai mystère à communier au corps et au sang du Christ, qui est celui de notre divinisation corps et esprit. Le salut ne se comprend pas tant qu’il ne s’incarne en nous. Il nous faut accepter cette part de mystère. Sinon, comment comprendre que nos corps puissent ressusciter?

Laurent MATHELOT, o.p.

Catégorie : Sens et foi

Dans la même catégorie