Un aumônier sous les tirs, des sœurs chantant entre les ruines fumantes de leur abbaye… : les grands récits du Débarquement


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Un aumônier sous les tirs, des sœurs chantant entre les ruines fumantes de leur abbaye… : les grands récits du Débarquement
Par Clément Laloyaux
Journaliste de CathoBel
Publié le
5 min

Ce 6 juin, les anciens Alliés commémorent les 80 ans du Débarquement en Normandie. Pour nous tous, c'est l’occasion de se souvenir du sacrifice des jeunes gens morts pour libérer l’Europe de l’occupation nazie, mais aussi d'évoquer ces prêtres, aumôniers et religieuses qui ont joué un rôle marquant lors du D-Day.

Nous vous reproduisons ici trois histoires fortes, empreintes de bravoure et de fraternité. De quoi raviver le témoignage de foi que ces ecclésiastiques ont voulu nous laisser.

L'abbé de Naurois : l'aumônier qui donnait les derniers sacrements sous le feu de la mitraille

Dans une tribune publiée sur le site Aleteia, le journaliste et chroniqueur Michel Cool revient sur le 80e anniversaire du Débarquement en Normandie en mettant en lumière le courage de l'abbé René de Naurois, aumônier d'un commando qui débarqua sur les plages normandes. Nous vous proposons ci-dessous quelques extraits de cet article qui illustrent à quel point ce prêtre a fait preuve d'héroïsme et a bravé la mitraille pour soutenir ses camarades.

René de Naurois (1906-2006), prêtre catholique, aumônier militaire et compagnon de la Libération.

"Dans ma vie de journaliste j’ai eu le privilège de rencontrer un de ces héros qui débarquèrent sur nos côtes en cette aube historique. Ce vaillant marin fusilier appartenait aux Forces Françaises Libres. Il faisait partie du commando Kieffer, le seul bataillon français à avoir été autorisé par le commandement allié à participer à ce combat crucial pour la libération de la France. Il s’appelait René de Naurois et il était l’aumônier de ces 177 valeureux soldats français. [...]

Je l’entends encore me raconter dans sa maison de Brunoy, en région parisienne, comment il avait débarqué sur le sable de Ouistreham : “On a sauté à la mer avec de l’eau jusque sous les bras. Je m’apprêtais à affronter l’une des plus puissantes armées du monde, fort d’un seul couteau en poche — et à bout arrondi encore (précisa-t-il avec humour) ! Et tout de suite la casse, des blessés, des morts. Je n’avais pas le droit de m’arrêter sur la plage car nous présumions que les aumôniers et les brancardiers du génie soigneraient leurs soldats…"

Mais ses autres collègues ont été rapidement mis hors de combat. Naurois se retrouve alors seul, sous une mitraille infernale, à donner des absolutions et les sacrements, sans quitter du regard ses camarades qui s’enfonçaient dans les rues de Ouistreham pour libérer le casino… Sous son uniforme en loques et recouvert de sang, le “padre” s’empresse d’assister les derniers instants de tout le monde, de toutes les religions, de toutes les nationalités. Même l’agonie de soldats allemands gisant sur le champ de bataille."

👉 Découvrez la vie héroïque de l'abbé de Naurois, racontée par Michel Cool, sur le site d'Aleteia

Un prêtre américain abattu en voulant secourir des paras blessés

Le 6 juin 1944, le Père Ignatius Maternowski, aumônier américain de 32 ans, se retrouve au cœur du Débarquement en Normandie.

Après avoir célébré une dernière messe dans l'avion avec les soldats de la 508e Régiment d'Infanterie Parachutiste, il atterrit quelques heures plus tard dans le petit hameau normand de Gueutteville aux côtés de son régiment. Rapidement, il se consacre aux paras blessés, les regroupant dans un café-épicerie du coin, transformé en centre de soin de fortune. Voyant l’afflux de blessés, il décide d'aller trouver le major infirmier du détachement allemand pour négocier un lieu supplémentaire afin de soigner les soldats des deux camps.

Sur le chemin du retour, le Père Maternowski est abattu d’une balle dans le dos, son brassard d'infirmier n'ayant pu le protéger. « Nous n’avons jamais su si c’était l’Allemand qu’il avait rencontré ou un sniper », explique Eric Labourdette, président de l’association US Normandie Mémoire et gratitude, au quotidien Ouest France. Plus tard dans la journée du 6 juin, les Allemands déclenchent une attaque sur le café-épicerie. « Un char a roulé sur le café, personne n’a survécu », relate Eric Labourdette.

Aujourd'hui, l'Association US Normandie Mémoire et Gratitude ainsi que les Frères Franciscains continuent à honorer sa mémoire. Un vitrail à son effigie a été installé en 2021 dans la chapelle de Cauquigny, et une procédure de canonisation est en cours.

Hier, mercredi 5 juin 2024, un hommage a été rendu au père Maternowski par le chœur de la 82e division Airborne à laquelle il appartenait, ainsi que par les habitants de la commune.

Abbaye de Lisieux bombardée : vingt-et-une sœurs perdent la vie

7 juin 1944, 1h20 du matin. Alors que les Alliés ont débarqué la veille au matin sur les plages normandes, à peine à quelques dizaines de kilomètres de là, une pluie de bombes tombe pour la seconde fois en quelques heures sur la ville de Lisieux. L’abbaye millénaire de Notre-Dame-des-Près, fondée en 1011, qui accueillit sainte Thérèse de l’Enfant de Jésus qui y fit sa première communion est rayée de la carte en quelques minutes. Ce que les bombes n’ont pas détruit sur le coup, les flammes de l’incendie qui s’ensuit le consument. Vingt-et-une sœurs bénédictines, dont la mère prieure, sont tuées. Elles font partie des milliers de civils français qui perdent la vie dans les combats et les bombardements qui ont précédé ou qui ont suivi le Débarquement du 6 juin.

«C’est une situation dramatique parce qu’en douze minutes les sœurs survivantes ont tout perdu; tout ce qui était leur vie si réglée, leur vie bénédictine, n’existe plus. Les bâtiments sont en feu, les cadavres des sœurs sont là», raconte le père Pascal Marie, curé d’Honfleur qui a effectué un travail de recherche de tous les prêtres, religieuses et religieux du diocèse de Bayeux-Lisieux tués pendant la Seconde Guerre mondiale. «Il y a cette scène étonnante» poursuit-il. La mère cérémoniaire, se rendant compte que quelques survivantes avaient encore leur livre d’office, déclara alors au matin: «Faisons ce pour quoi nous sommes faites», et au milieu des ruines fumantes et des corps de leurs sœurs, «elles vont chanter l’office»

«C’est un exemple assez extraordinaire qu’elles nous donnent et qui aujourd’hui nous interpellent encore» estime le père Marie.

Route de Caen après les bombardements de juin 1944. Au fond à gauche ruines de l'église Saint-Désir. Au bout de la rue couvent des Bénédictines. © PhotosNormandie

C.L. (avec Aleteia, Vatican News et Ouest France)


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