Michel Desmarets, ancien éducateur et enseignant dans le diocèse de Tournai, se lance dans un premier roman. "La plage d'après" raconte sous d'autres prénoms ce que lui et son frère aîné ont partagé depuis l'enfance. L'auteur a répondu à nos questions.
"Il n'y a pas que le lien du sang. Il y a le lien du frère" Cette citation extraite du poème des Béatitudes de Gabriel Ringlet décrit l'essence même de ce qui unit les deux héros de ce roman. L'un s'appelle Alban, et son frère cadet Côme. Ils ont développé à deux des occupations, des jeux sur la plage, des rituels de fin de journée, etc.
Le récit "La plage d'après" fonctionne comme la peinture d'une mosaïque. Par petites touches, l'auteur décrit la vie quotidienne de ces deux enfants, jusqu'à l'âge adulte. Dès qu'ils en ont l'occasion, Côme et Alban vont marcher sur plage, jouer avec les vagues ou écrire dans le sable. Le narrateur de ce roman raconte : "Marcher sur la grève m'apaise. Les cycles des marées bercent les enfants qui grouillent en moi et se disputent mon souffle. Marcher me donne des parts de paix."
Un signe d'un monde à l'autre
Signalons que ce récit est donné par Côme devenu adulte, qui se souvient de son enfance passé près de son frère aîné Alban. Au fur et à mesure du roman, le lecteur comprend que ce partenaire de jeu n'est plus vivant. Le dernier tiers du livre, introduit par le titre "Ars moriendi" (l'art de bien mourir), évoque la disparition de ce grand frère à cause d'un cancer du poumon. "Le premier qui part de l'autre côté fera signe à l'autre", s'étaient-ils promis. L'évocation de ces souvenirs d'enfance correspond peut-être à ce signe qu'Alban fait à son jeune cadet depuis l'au-delà.
Michel Desmarets emploie dans ce premier roman (cf son interview ci-dessous) un style tellement pur, allégé par des phrases courtes et très visuelles. Le lecteur peut ressentir le vent dans les cheveux, l'adrénaline qui pousse à prolonger la journée par des jeux sur la plage, le bruit des vagues qui vient recouvrir le château de sable… Et à la fin de l'ouvrage, l'auteur réussit à partager la souffrance d'un homme orphelin de son frère aîné, sans s'appesantir dans les sanglots. Ce roman pourra aussi ouvrir des pistes de conversation au sein de certaines familles concernant la perte d'un être cher.
AFdB
Michel Desmarets, "La plage d'après", éditions Academia, 176 pages.
Questions à Michel Desmarets, l'auteur qui se cache derrière Côme et Alban dans La plage d'après
Après une carrière dans le monde de l'enseignement, Michel Desmarets publie ici son premier roman.
"De temps en temps, j'ai écrit une carte blanche dans la presse nationale. Ici, c'est autre chose", confie-t-il. "Le déclencheur est venu le jour du mariage de ma nièce Emmanuelle, la fille de mon frère Luc. Lors d'un discours, j'ai évoqué les souvenirs d'enfance entre mon frère aîné et moi. Un cousin m'a encouragé à écrire. J'ai encore laissé passer un an et demi avant de m'y mettre."
Ce n'était pas encore ce roman ?
"J'ai commencé par une étape plus intime pendant laquelle j'écris pour me faire du bien. J'ai participé à des ateliers d'écriture où j'ai appris à écrire avec mes tripes. La rencontre avec l'éditrice Anne Ducrocq a été déterminante." "J'ai vu Michel Desmarets tisser, et courageusement détisser, les années bénies avec le frère.", écrit-elle dans la préface de l'ouvrage La plage d'après.
Comment êtes-vous passé d'un écrit autobiographique à un roman ?
"Je n'ai pas fabriqué un roman. J'ai mis l'histoire de Luc et Michel, mon frère et moi, au présent. Nous avons changé les prénoms, ma femme en a trouvé un, moi l'autre. Finalement, Côme et Alban sont à la fois plus proches et très loin de mon frère et moi."
Comment est venu le titre ?
"Ce n'était pas mon idée de départ. J'avais pensé à Deux frères, encore. Ce titre est déjà pris. Après avoir longtemps cherché, j'ai vu par hasard l'ouverture d'une librairie La page d'après à Louvain-la-Neuve. Ce titre, La plage d'après, semblait être arrivé directement sur mon écran. Il peut représenter plusieurs sens."
Comment vous sentez-vous maintenant que ce livre est arrivé chez les premiers lecteurs?
"Je suis en post-partum. L'enfant vient de naître. Maintenant, l'essentiel c'est ce que vit le lecteur."
Recueilli par Anne-Françoise de Beaudrap