
On reproche parfois aux politiques d’être déconnectés des citoyens. Constatons que, sur ce coup-ci, le reproche ne serait pas mérité. Face au « tsunami émotionnel » provoqué, en Flandre surtout, par la diffusion de la série Godvergeten, nos parlementaires ont en effet décidé d’ouvrir une commission d’enquête consacrée au traitement des abus sexuels.
En tant que catholiques, nous devrions nous en réjouir! Cette commission a en effet reçu pour mission d’examiner comment se déroulent les procédures de reconnaissance des victimes et de leurs proches. D’analyser le rôle joué par l’Eglise, la police et la justice au cours des dernières années. Et d’identifier des améliorations possibles. Sur papier, ce ne peut être qu’une bonne chose!
Sur papier, donc. Car dans les faits, tout reste à construire. La noblesse de ses intentions initiales ne peut garantir le succès d’une commission d’enquête. Pour que les prochains mois s’avèrent féconds, diverses conditions devront être respectées. Par les membres de la commission, mais aussi par les journalistes appelés à couvrir les travaux. Voici ces conditions.
1. Respecter les faits. La semaine dernière, un journaliste déclara que « les victimes allaient enfin être entendues ». Une phrase maladroite qui donne l’impression que l’Eglise, la police et la justice n’ont jamais pris le temps de les écouter! De même, à en croire certains, rien n’aurait changé entre 2010 et aujourd’hui. Si l’émotion est un bon point de départ, il faudra progressivement que parlementaires et observateurs affinent leurs connaissance des faits et de la chronologie.
2. Ne pas devenir un tribunal. Certes, une commission d’enquête parlementaire dispose des prérogatives reconnues au juge d’instruction. Mais elle ne peut s’instituer en organe judiciaire. Les parlementaires ont pour mission d’analyser et de comprendre ce qui s’est passé « au sein et en dehors de l’Eglise ». Pas de faire le procès d’un groupe en particulier.
3. Ne pas croire pouvoir sauver le monde. En ouvrant leurs travaux, les parlementaires espèrent peut-être régler le problème « une fois pour toutes ». Ou définitivement apaiser la souffrance des victimes. De telles espérances pourraient vite se muer en désillusions – pour eux comme pour elles. Et dans quelques années, certains ne manqueraient sans doute pas alors de réclamer une nouvelle commission d’enquête…
Vincent Delcorps