Après les opérations militaires lancées ces derniers jours par l’Azerbaïdjan dans le Haut-Karabakh, des milliers de réfugiés arméniens ont été contraints de quitter la région. Mgr Mikael Bassalé, administrateur apostolique de l'Ordinariat des catholiques de rite arménien en Europe orientale, témoigne que «les réfugiés arrivent en Arménie dépourvus de tout et ne pourront probablement jamais retourner chez eux».
Les opérations militaires de l'Azerbaïdjan ont suscité de vives inquiétudes sur la situation humanitaire dans la région du Haut-Karabakh, qui risque de se détériorer davantage après des mois de blocus du côté azerbaïdjanais. Selon Mgr Mikael Bassalé, administrateur apostolique de l'Ordinariat arménien d'Europe orientale, «toute la population arménienne pourrait quitter la région». En effet, 13 000 réfugiés arméniens fuient déjà le Haut-Karabakh, enclave arménienne en Azerbaïdjan.
La situation pourrait dégénérer
Dans une interview accordée à Radio Vatican, Mgr Bassalé présente la «condition extrêmement difficile» des réfugiés «parce que l'armée azerbaïdjanaise entrave de toutes les façons les mouvements de la population arménienne». «Ces derniers jours, plus de 200 personnes ont été tuées et 400 sont portées disparues». Il semble que l'État arménien soit actuellement en mesure de gérer l'afflux de réfugiés, mais il reste à savoir combien de personnes arriveront du Haut-Karabakh.
«Pour l'instant, poursuit l'évêque arménien, il n'y a pas de situation critique à signaler car le nombre de réfugiés n'est pas encore très important. L'État arménien s'est organisé pour gérer le flux des personnes en fuite, mais les ressources ne sont pas suffisantes pour assurer tout le nécessaire. L'aide essentielle est fournie, mais à long-terme la situation pourrait dégénérer».
Rapport inquiétant fourni par Caritas Arménie
«Caritas a publié un rapport qui souligne les graves problèmes de communication dans la région du Haut-Karabakh. Des milliers de personnes ne retrouvent pas leurs proches, elles ne savent pas s'ils sont vivants, captifs ou morts». «La situation des infrastructures, souligne Mgr Bassalé, est également critique en raison de l'afflux important de réfugiés qui fuient».
Le 25 septembre, un dépôt de carburant a explosé, blessant des centaines de personnes et tuant des dizaines alors qu'elles faisaient la queue pour recevoir de l'essence. De longues files de voitures ont été signalées à la frontière avec l'Arménie. «Toute la population arménienne du Haut-Karabakh pourrait quitter la région, et ne pourra probablement jamais rentrer chez elle, maintenant que la région est occupée par l'Azerbaïdjan», conclut-il.
La diplomatie est en mouvement dans la crise du Haut-Karabakh. L'Arménie se détache de son allié traditionnel russe et semble se rapprocher de l'Occident, recevant la visite de quelques délégués américains de l'administration Biden, qui ont demandé à Bakou des garanties sur le sort des Arméniens du Haut-Karabakh. L'amitié historique entre la Turquie et l'Azerbaïdjan est également renforcée. L'Europe, sous l'impulsion de la France et de l'Allemagne, tente une médiation entre les présidences arménienne et azerbaïdjanaise, et l'Union européenne a envoyé cinq millions d'euros d'aide humanitaire à la population.
L'offensive militaire de Bakou
Le territoire du Haut-Karabakh a été au centre de trois conflits entre Bakou et les autorités de Stepanakert, le dernier ayant été déclenché par les Azéris entre le 19 et le 20 septembre. L'opération militaire de grande envergure lancée par Bakou a vu Erevan, allié historique de l'administration arménienne du Haut-Karabagh, ne pas intervenir, conscient de son infériorité militaire après avoir subi une défaite décisive lors des affrontements de 2020. Les autorités de la République arménienne autoproclamée d'Artsakh déposent alors les armes et se rendent aux Azéris. Un cessez-le-feu est entré en vigueur le lendemain.
Les conditions de vie de la population du Haut-Karabakh avaient déjà été mises à rude épreuve par une sorte de siège entamé le 12 décembre 2022 par l'Azerbaïdjan. La région est reliée à l'Arménie, d'où elle importe 90% de ses produits de base, par une étroite bande de terre entre les montagnes, le corridor de Lachin. Ce passage était censé être sécurisé par les forces de maintien de la paix russes déployées dans la région après le conflit de 2020. Les habitants de la région, effrayés par les activités militaires de l'Azerbaïdjan, ont commencé un exode vers l'Arménie.
Leone Spallino - Cité du Vatican