
Tout commence début juillet. Vincent Van Peteghem, ministre fédéral des Finances, annonce la prochaine émission de bons d’Etat. Des bons d’Etat un peu particuliers: d’une part, en raison de leur courte durée; d’autre part, en raison du précompte mobilier réduit qui leur sera assorti. Le timing est excellent: alors que l’été commence, tous les médias sont à la recherche de sujets à creuser. Ils viennent d’en trouver un. Et un fameux!
Durant des semaines, une question agite la presse: que rapportera vraiment le futur bon d’Etat. 2,70%? Plus? Moins? Après un insoutenable suspense, c’est le pourcentage de 2,81 qui l’emporte. Durant 24 heures, il fait la une de tous les médias. Dans les jours qui suivent, les questions se bousculent, et les journalistes mènent un véritable travail d’investigation pour y répondre: comment se procurer des bons d’Etat? Est-ce vraiment une bonne idée d’en acheter? N’est-il pas possible de trouver mieux ailleurs? Et surtout, combien d’argent les bons rapporteront-ils? Chaque jour, l’Agence de la dette orchestre sa communication. Et les médias suivent…
Au final? Beaucoup de bruit pour… pas grand-chose! Certes, l’Etat a pu récolter pas mal d’argent frais – mais en réalité, il aurait pu le trouver autrement. Certes, quelques centaines de milliers de Belges recevront (en moyenne) quelques centaines d’euros dans un an – mais, au passage, ils en auront perdu bien davantage en raison de l’inflation.
Au final, donc, ces bons ne rapporteront pas grand-chose à quiconque. Mais en attendant, leur médiatisation en dit long. Pourquoi pareil emballement? Pourquoi tant d’articles sur ce sujet? Parce que ces articles se sont révélés très lus! Pourquoi? Peut-être simplement parce que nous, citoyens, sommes fortement attirés par l’appât du gain apparent.
Ouvrons les yeux: si ces bons rapporteront peu, ils pourraient nous prendre beaucoup. Ils pourraient nous faire perdre un peu de notre lucidité quant aux vrais défis de notre temps. Comment faire en sorte que tous les habitants de ce pays aient un peu d’épargne? Cette question, à laquelle aucun article ne fut consacré, est pourtant autrement centrale. Elargissons encore nos horizons. Saviez-vous qu’au Sahel et au Gabon, l’on se fout pas mal de nos bons d’Etat. Là, ce qu’on aimerait, c’est de pouvoir compter sur de bons Etats. Tout simplement! Et si l’on s’en souciait un peu plus?
Vincent DELCORPS