Après 50 années d’existence, la communauté de Clerlande, en Brabant wallon, s’apprête à tourner une page. De quoi l’avenir sera-t-il fait? Nul ne le sait encore. Mais si vous avez des idées, elles sont les bienvenues. Les moines lancent aujourd’hui un appel à projets…
Le sentier est bien connu. Entre Ottignies et Louvain-la-Neuve, il vous emmène vers le monastère de Clerlande. En plein milieu des bois, voici une oasis rare. Un lieu de paix, d’écoute et de prière, très apprécié dans la région et bien au-delà.
Il y a 50 ans déjà que des moines bénédictins se sont installés ici. A l’époque, dans la foulée du Concile, le projet paraissait novateur. D’audacieux pionniers allaient poser les jalons d’un monachisme moderne! Le temps a fait son œuvre. La déchristianisation aussi. Aujourd’hui, le lieu demeure dynamique – vie communautaire nourrie, offices soignés, hôtellerie qui tourne – mais l’avenir est incertain. Sur les huit moines, seuls 3 ont moins de 80 ans – et ils ont tous la septantaine… "Il faut donc passer la main", souligne Pierre de Béthune, modérateur de la communauté. "Nous voulons le faire humblement mais intelligemment: il y a 50 ans, nous avons reçu la responsabilité de faire vivre ici un pôle de vie spirituelle et d’accueil; aujourd’hui, nous tenons encore à l’honorer."
Le groupe des douze
Le processus de discernement démarre à l’été 2022. Particularité: pour réfléchir à l’avenir du lieu, les membres de la communauté choisissent d’assez largement s’entourer. "J’estimais que nous n’étions pas capables de trouver une solution à nous seuls", reprend Pierre de Béthune. "J’étais aussi convaincu que le monastère ne pouvait se contenter de solliciter l’aide d’autres monastères bénédictins. Qu’il fallait le situer dans son environnement plus large. L’avenir de l’Eglise, c’est d’être en contact avec toute la population."
Une équipe de douze personnes se met sur pied. Il y a là deux membres de la communauté, un représentant du vicariat du Brabant wallon, un théologien de l’UCLouvain, une médecin, plusieurs jeunes… Autant de personnes attachées au lieu – et se sentant concernées par son avenir. Appel est aussi fait à deux animateurs extérieurs, Anne Chevalier et Baudouin Van Overstraeten, chargés de définir la méthodologie. Depuis un an, ce "groupe de réflexion et de discernement" (ou GRD) chemine, en étroit partenariat avec la communauté. "Nous avons pris le temps d’écouter chacun, dans un esprit d’ouverture, dans le respect des personnes et dans le dialogue", détaille Anne Chevalier. "Nous avons aussi tenu à ce qu’on puisse oser affirmer des points de vue divergents, tant sur l’avenir de la communauté que sur l’avenir de l’Eglise."
L’avenir de Clerlande? Ouvert!
Un an plus tard, le travail entre dans une nouvelle phase. "Au cours des derniers mois, des rumeurs, parfois erronées, ont circulé sur l’avenir du lieu", constate Eric Mattheeuws, adjoint de Mgr Hudsyn, évêque auxiliaire pour le Brabant wallon, et membre du GRD. "C’est aussi pour cela que nous nous tournons à présent vers le grand public."
Le père modérateur lance donc aujourd’hui un très large appel à projets (voir ci-dessous). Objectif: trouver un (ou plusieurs) partenaires désireux de faire vivre le lieu. Des balises existent. Les nouveaux projets devront s’inscrire dans la dynamique d’un centre de vie spirituelle chrétienne, proposer écoute et accueil, permettre à Clerlande de demeurer un lieu de prière tout en s’ouvrant à un public large. Deux autres éléments: la durabilité du projet devra être garantie – y compris sur le plan financier ("ce ne sont pas les moines qui vont subventionner le projet"). En outre, les nouveaux projets devront s’avérer compatibles avec la vie de la communauté "tant qu’elle s’y maintiendra".
"Le travail effectué au cours des derniers mois a permis de prendre la mesure de l’enjeu de cette transition", souligne Eric Mattheeuws. "Nous avons aussi pu mettre des mots sur l’esprit et les critères qui sont importants pour les moines. Mais pour le reste, l’avenir est totalement ouvert. On pourrait envisager aussi bien l’arrivée de moines bénédictins venus d’ailleurs qu’un habitat chrétien de quelques laïcs attachés à la spiritualité." "On imagine difficilement qu’un seul projet permettra de remplir toutes les missions", complète Anne Chevalier. "Il faudra peut-être articuler deux ou trois projets…"
La fin du monachisme?
Réinventer un lieu, donc. Lui donner une vie nouvelle. Si l’aventure est stimulante, elle n’est cependant pas évidente, notamment pour les moines. "Ils ont suivi le processus sans enthousiasme ni véritable opposition", constate Pierre de Béthune. Un échec? "Il faut situer ce que nous vivons dans l’ensemble de l’évolution de l’Eglise en Europe", recadre le modérateur. "Il y a une crise réelle: à part quelques uns, très traditionnalistes, tous les monastères sont en difficulté. Je suis intimement persuadé que l’avenir est à des laïcs engagés. Je veux favoriser l’avènement d’une communauté de chrétiens qui veulent vivre ensemble."
Eric Mattheeuws parle, lui, d’une "mutation des formes de vie religieuse". "On tourne quand même la page de nombreux siècles d’histoire", souligne-t-il. "On va peut-être vers des choses plus temporaires, plus mixtes – et pas seulement sur le plan des genres."
Reste donc à concrétiser cette transition. En s’inspirant d’ailleurs? "De telles expériences ne sont pas encore très nombreuses, mais c’est intéressant de savoir que des réussites existent", relève Eric Mattheeuws. "En même temps, chaque cas est unique en son genre. Chaque lieu a son histoire, ses personnes… On ne peut de toute façon pas faire de copier-coller."
L’équipe porteuse a en tout cas la foi. "Les personnes qui ont accepté de rejoindre le GRD ont de l’espérance", souligne Anne Chevalier. "Elles pensent que l’Eglise doit s’inventer, mais tout en s’inscrivant dans une tradition spirituelle qui a fait ses preuves. Personnellement, je suis persuadée que quelque chose va surgir". Eric Mattheeuws conclut: "De deux choses l’une: soit ce travail court à sa perte, soit son principal acteur est l’Esprit Saint."
L’appel est lancé: vous avez jusqu’au 31 octobre pour partager vos idées.
Vincent DELCORPS
L’appel à projets complet est disponible ci-dessous. Les questions éventuelles et les dossiers doivent être envoyés à Baudouin Van Overstraeten (baudouin.vano@gmail.com).