Le documentaire Sur l’Adamant nous invite dans un centre de jour unique en son genre, sur les bords de la Seine, à Paris.
C’est un drôle de bâtiment en bois qui flotte sur les bords de la Seine, en plein cœur de Paris. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, l’Adamant n’est pas un bateau. C’est un centre de jour qui accueille des adultes souffrant de troubles psychiques. Dans cette structure animée par des équipes qui croient aux relations humaines, ils peuvent progressivement reprendre contact avec le monde. Le documentariste français Nicolas Philibert a entendu parler de cette initiative alors qu’elle n’était encore qu’à l’état de projet, au début des années 2010. L’Adamant lui a donné envie, vingt-cinq ans après La moindre des choses, son film sur la clinique psychiatrique de La Borde, de s’intéresser à nouveau à ce domaine.
Il a suivi de loin la création de ce lieu, imaginé par les soignants et les patients. Puis il est monté sur l’Adamant pour parler de son travail lors d’un atelier de conversation. Des années plus tard, Nicolas Philibert est revenu avec sa caméra pour saisir l’atmosphère de cet endroit si singulier. Il s’est laissé porter par les gens qui le font vivre, les patients comme les équipes. Son documentaire a donc épousé les formes de ce bâtiment flottant. On s’immobilise face à un visage, un geste, un regard. On écoute un patient raconter son histoire puis on le perd pour s’immiscer dans un atelier, pour ensuite le retrouver lors d’une autre journée. "Faire un documentaire c’est se frotter à l’accidentel, à tout ce qui échappe aux prévisions, à la dramaturgie. Les plus belles scènes sont souvent celles qui naissent par surprise, sans préméditation. Parfois il suffit d’être là, attentif à ce qui nous entoure, et d’y croire assez pour que cet endroit devienne un lieu, ces hommes et ces femmes les personnages d’un récit, ces actions à première vue anodines d’authentiques histoires", explique à ce propos le réalisateur.
Un lieu précieux
Cette narration sinueuse nous donne l’impression de faire partie de la vie de l’Adamant. Rien de tel pour comprendre à quel point ce lieu est précieux. Lauréat de l’Ours d’or au dernier festival de Berlin, Sur l’Adamant est donc un documentaire qui ouvre les yeux. Il nous invite dans une réalité que nous connaissons peu ou pas du tout. On se rend compte de l’importance des liens avec les autres à travers les témoignages touchants des patients. Certains viennent tous les jours, d’autres de temps à autre. Loin de l’image médicalisée de l’hôpital psychiatrique, on laisse ici aux patients la liberté de s’exprimer, de coconstruire la vie quotidienne. Chaque semaine commence d’ailleurs par une réunion lors de laquelle chacun peut inscrire à l’ordre du jour les points qu’il veut voir aborder.
Les journées sont rythmées par des ateliers: dessin, musique, couture, ciné-club, relaxation, écriture… D’excellentes motivations à sortir de chez soi, à retisser du lien. On ressort de ce drôle de bâtiment avec la sensation d’avoir vu une autre façon d’envisager les soins psychiatriques, qui met l’accent sur le collectif tout en refusant l’étiquette discriminante du "malade".
Elise LENAERTS