De Fernelmont aux institutions européennes, un documentaire Zones urgentes à Transformer tente de comprendre pourquoi on continue d’utiliser des pesticides dangereux pour l’environnement et pour l’homme.
"Epandage de pesticides à proximité, danger!" Depuis sa voiture, le haut-parleur de Marie-Thérèse fait passer un message très clair dans la commune de Fernelmont, dans la province de Namur. Cette charmante campagne est en effet contaminée par les pesticides utilisés dans les champs qui recouvrent une bonne partie du territoire. Alertée par une série de décès dus à des cancers dans son voisinage, Marie-Thérèse s’est mise à regarder de plus près ce qui se passe dans les exploitations agricoles de sa région. Elle s’est plongée dans le monde de l’invisible, s’interrogeant sur la longue histoire de l’altération de l’environnement par les produits chimiques. Une histoire qui remonte au moment où les fermes sont devenues des exploitations agricoles.
Rejointe par d’autres citoyens inquiets, cette jeune dame de 72 ans a créé en 2016 une ZUT, une Zone Urgente à Transformer, en référence aux ZAD françaises (les Zones A Défendre). A travers des actes de désobéissance citoyenne et la distribution de tracts, les "zutistes" tentent de sensibiliser la population mais surtout les politiques aux dangers des pesticides. Ceux-ci ont rapidement balayé le lien entre cancer et pesticides par une étude. Mais dans d’autres communes, on établit les mêmes rapports et certains scientifiques se posent des questions sur la manière dont cette étude a été conduite.
Difficile de se faire entendre
Cette histoire qui se passe à côté de chez nous ouvre le documentaire de François de Saint-Georges, ZUT: zones urgentes à transformer, diffusé lors du festival Alimenterre. L’engagement de Marie-Thérèse fait écho à d’autres "lanceurs d’alerte". Mais le documentaire de François de Saint-Georges ne se limite pas à ce "camp". Il est également allé à la rencontre des agriculteurs qui utilisent ces produits. On apprend ainsi que la culture de pommes de terre en Belgique se concentre sur les bintjes, très sensibles aux insectes. Pour survivre, les agriculteurs sont obligés d’utiliser des pesticides, notamment le glyphosate. Ces pommes de terre sont principalement exportées mais on ne veut pas ralentir les exportations pour préserver l’économie.
Marie-Thérèse se demande alors pourquoi on prolonge cet empoisonnement? "Je sais qu’il y a des raisons économiques. Je dis ‘raisons’, pas ‘réalités’. On peut décider que l’économie n’a plus de raison d’être face à ce danger. Comment peut-on laisser les générations futures dans un monde aussi nocif?" Selon une étude, un Wallon sur quatre est en effet contaminé par le glyphosate, ce produit chimique à effet perturbateur endocrinien, soupçonné d’être cancérigène.
Un autre agriculteur se confie, lui, sur les risques encourus par la profession, eux qui sont directement exposés à ces dangereux produits. ZUT, zones urgentes à transformer tente donc de comprendre le système. Il expose la complexité de notre monde, les motivations des uns et des autres mais ne donne pas de solution miracle. Si ce n’est celle du changement en profondeur qui peut être initié par chacun d’entre nous.
Elise LENAERTS
Ce documentaire est disponible sur Auvio