Synodalité: depuis un an, le mot est sur toutes les lèvres. Sa signification n’est toutefois pas toujours claire. Pour Frédéric Close, magistrat émérite et lecteur de Dimanche, il ne faudrait pas que le chemin synodal altère ce qui relève de la foi de l’Eglise.

L’Eglise Romaine propose à ses fidèles un projet de synodalité. Il leur est dit et répété qu’il s’agit de réfléchir et cheminer « ensemble ». Il convient ainsi d’envisager, entre clercs et laïcs, une amélioration concrète du fonctionnement de l’assemblée des chrétiens.
A l’heure où la synthèse a été faite chez nous d’une consultation aussi générale que possible et avant même de lire le recueil de textes écrits par le pape François sur le sujet (Paroles et réflexions sur la Synodalité, éd. Salvator, octobre 2022, 237 p.), trois réflexions viennent à l’esprit.
Pérennité du Credo
La première concerne la pérennité du Credo récité à chaque messe dominicale et aux grandes fêtes liturgiques. Symbole de foi de l’Eglise, il est le fruit de la tradition, c’est-à-dire du devoir sacré pour tout homme ou femme de faire passer à ses successeurs l’essentiel de ce qu’il a acquis, appris et expérimenté. D’une part, l’infaillibilité pontificale rend cette proclamation immuable; ce n’est donc pas à un synode mais au pape ou à un concile qu’il appartiendrait éventuellement de l’amender. D’autre part, comme toute confiance, la foi est éminemment personnelle: nul ne décide ce qu’un autre croit, pas plus que ce qu’il aime. A cet égard, l’Eglise a pour mission d’indiquer le sens, la direction et les garde-fous à ceux qui lui font confiance. En leur âme et conscience (selon la formule consacrée qui trouve ici toute sa signification) ce sont ceux-ci qui y adhèrent, chacun, plus ou moins pleinement.
Fractionnement mais pas séparation
La seconde réflexion touche à la perception que l’on peut avoir aujourd’hui de l’Eglise et aux priorités qu’elle implique. Au cours de son histoire, le peuple des baptisés a, en effet, connu bien des épreuves. Des hérésies ont dénaturé ou perverti ses convictions parfois les plus essentielles; des schismes ont brisé son unité. C’est ainsi qu’au XXIe siècle, l’Eglise catholique n’apparaît peut-être plus aussi « universelle » que son appellation semble l’indiquer; c’est du moins ce que certaines divisions pourraient laisser paraître. Or, le fractionnement d’une population n’est pourtant pas nécessairement l’annonce d’une séparation inconciliable. De tout temps, les rassemblements humains se sont, au contraire, enrichis plutôt qu’appauvris de leurs différences internes. L’ « universalité » de l’Eglise consiste, aujourd’hui comme hier et demain, à proposer son message « à tous ». Pour la cohésion d’un groupe, quel qu’il soit, l’essentiel a toujours été la recherche du point commun, du but final. Et, en l’occurrence, il n’y a aucun doute: c’est Dieu qui reste l’alpha et l’oméga, le point d’origine et la fin ultime. Tout le reste n’est qu’accessoire.
Ce n’est donc pas sur des questions de morale ou touchant à la participation soit des laïcs, soit des jeunes, soit des femmes à la vie ecclésiale que pourraient se diviser gravement les chrétiens. Il importe alors de recentrer l’attention, non sur ces questions d’actualité, mais plutôt sur les sacrements qui sont l’essentiel et sur la liturgie comme la catéchèse qui devraient y conduire.
Gare à l’égarement
Un dernier constat amène une troisième réflexion par laquelle il est permis de conclure. Aussi étendue qu’elle voulut l’être, la consultation synodale du peuple chrétien a, semble-t-il, été davantage le porte-voix des mécontents et des révoltés que celui du plus grand nombre. Ce ne sont pas les humbles paroissiens de semaine et du dimanche qui ont le plus souvent demandé à se faire entendre; ce sont plutôt ceux qui sont avides de changement. Parmi ceux-ci, il en est qui sont en recherche de reconnaissance (sinon de pouvoir) au sein d’une assemblée à laquelle ils maintiennent leur confiance; il en est d’autres qui veulent changer radicalement celle à laquelle ils n’adhèrent plus que superficiellement. Ces derniers devraient peut-être approfondir leur analyse et leurs propositions critiques, de crainte de s’égarer au risque d’entraîner d’autres à leur suite.
Le problème de l’ignorance religieuse
L’observateur attentif ne peut, en effet, que s’inquiéter, non de ladite volonté de changement, mais plutôt de l’ignorance religieuse qui trop souvent la sous-tend. De nos jours, le dévouement généreux (par exemple, à une équipe pastorale ou à une fabrique d’église) n’implique plus toujours la formation spirituelle et cultuelle souhaitable pour qui entendrait réformer utilement la vie ecclésiale. Or, la mutation des institutions nécessite une réflexion qui soit autant que possible constructive et pensée, exempte de toute ambition personnelle et, plus encore, de mépris pour tout contradicteur.

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