Cet été, en Afrique, des acteurs de l’Église et de la société civile ont lancé les Dialogues Africains sur le Climat. Il s’agit d’un processus de réflexion sur des sujets clés qui affectent l’Afrique. Il en est ressorti un plaidoyer qu’ils soumettent aujourd’hui aux dirigeants du monde entier qui se réuniront bientôt à la Conférence des Parties sur le climat (COP27), du 6 au 18 novembre à Charm el-Cheikh, Égypte.

La réalité africaine décortiquée en cinq thématiques
A travers le prisme des enseignements sociaux catholiques et des connaissances scientifiques sur le climat, les participants ont exprimé leurs points de vue, discuté des priorités et proposé des solutions. Cinq sessions ont permis de développer les thèmes des “fausses” solutions climatiques et du bassin du Congo; de l’adaptation des systèmes alimentaires, agricoles; du financement climatique; des pertes et dommages climatiques, ainsi que des migrations et déplacements liés au climat. Toutes ces thématiques constituent une réalité quotidienne pour les populations africaines.
Les « Dialogues africains sur le climat » sont une initiative inspirée de la dernière encyclique, Fratelli Tutti, où le Pape François a proposé le dialogue et la rencontre comme moyen de construire un monde plus juste. Les séances organisées de juillet à septembre ont permis de partager des réalités africaines, des expériences personnelles et des perspectives sur des sujets clés liés à la COP27.
Où que l’on regarde sur ce continent, on voit des difficultés, en raison d’un système économique mondial injuste, on constate que le changement climatique freine le potentiel de développement
cardinal Fridolin, Vice-Président du SCEAM et président de la Justice, Commission pour la paix et le développement (SCEAM)
Chacune de ces sessions a été menée par des organisations et des individus de l’Église Catholique et des acteurs laïques de la société civile. Avec un accent particulier mis sur les dimensions morales et spirituelles de la crise climatique et sur les mesures à prendre lors de la COP27, les participants ont été invités à répondre aux présentations d’experts, à dialoguer les uns avec les autres et à contribuer à un résultat commun.
Un appel pressant à écouter le cri des pauvres et de la Terre
Le plaidoyer qui en ressort est porté d’une voix commune par le Symposium des Conférences épiscopales d’Afrique et de Madagascar (SECAM) et les membres du comité directeur des Dialogues africains sur le climat en Afrique. Ce communiqué commun est signé par le cardinal Fridolin Ambongo. En conclusion, il fait aussi écho à l’encyclique Laudato si’, publiée en 2015 par François, « Le changement climatique est un outrage moral. C’est un exemple tragique et frappant de péché structurel, facilité par une indifférence impitoyable et une cupidité égoïste. La crise climatique entraîne la destruction de notre planète, la dévastation de la vie des pauvres et le détriment des générations futures. Nous, dirigeants de l’Église et organisations de la société civile en Afrique et au-delà, demandons aux dirigeants mondiaux, aux chefs d’entreprise et aux décideurs de tenir compte de cet important communiqué et, ce faisant, d’écouter le cri des pauvres et le cri de la terre. »
Les messages clé des séances de dialogue
Le communiqué relève : « Parfois, il est difficile de voir les solutions à cette situation complexe. Cependant, nous pouvons être sûrs de certaines choses. Par exemple, nous savons que les pays du Nord sont, en grande partie, responsables de la crise climatique et qu’ils doivent apporter leur juste contribution pour y faire face. Cela signifie montrer la voie en matière de réduction des émissions, fournir des fonds pour l’adaptation, les pertes et les dommages climatiques, et aider les pays du Sud à atteindre des niveaux du développement justes dans les limites de la planète. Nous savons que les solutions les plus prometteuses refléteront les principes clés de la Doctrine Sociale Catholique, tels que le bien commun, la justice entre les générations, le soin de notre maison commune et l’option préférentielle pour les pauvres. »
Les Fausses Solutions Climatiques et le Bassin du Congo
- Promouvoir la paix et l’intégration régionale en Afrique, notamment dans le bassin du Congo, en protégeant les écosystèmes, en régénérant le bassin du lac Tchad, en respectant les droits de l’homme, en établissant et en appliquant des réglementations contraignantes et l’état de droit, et en sensibilisant le public aux impacts du changement climatique.
- Abandonner toutes les fausses solutions, y compris les promesses de « net zéro », les systèmes d’échange et de compensation des émissions qui ont échoué, les solutions fondées sur la nature et l’optimisme technologique sans fondement (c’est-à-dire la géo-ingénierie).
- Effectuer la transition vers de nouvelles sources d’énergie produites localement, bon marché, accessibles et profitant aux communautés locales et autochtones d’Afrique.
- Établir et restaurer une gestion communautaire des ressources naturelles telles que les forêts, les pâturages et les zones de pêche et respecter les principes juridiques et éthiques établis tels que les droits au consentement libre, préalable et éclairé, à une compensation équitable et à un environnement propre et sain.
Systèmes Alimentaires, Agriculture et Adaptation
- Reconnaître que l’agroécologie place les agriculteurs et les communautés les plus vulnérables au centre, qu’il s’agit d’une approche pro-planète de la production alimentaire sous-tendue par une philosophie d’harmonie entre les êtres humains et les autres êtres vivants, et qu’une transition vers l’agroécologie peut contribuer à atténuer le changement climatique et à s’y adapter.
- Établir un mécanisme démocratique pour la gouvernance de l’agriculture, des terres et des systèmes alimentaires dans le contexte de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC).
- Faire de l’agroécologie un thème de premier plan lors de la COP27 et dans toute décision de suivi du travail conjoint de Koronivia sur l’agriculture, car elle offre des avantages conjoints évidents pour lutter contre l’insécurité alimentaire et les impacts du changement climatique.
- S’éloigner de la fixation aveugle sur l’efficacité et la maximisation des profits dans le système alimentaire et se concentrer plutôt sur les droits de l’homme, la nutrition, la justice alimentaire, la souveraineté semencière et alimentaire et les pratiques agricoles durables.
- Allouer davantage de ressources pour soutenir les petits paysans, les agriculteurs familiaux et les populations autochtones, notamment des services de vulgarisation fondés sur des méthodes agroécologiques.
Consultez le rapport complet de la session sur les Systèmes Alimentaires, Agriculture et l’Adaptation (en anglais).
Le Financement du Climat
- Les pays « du Nord » doivent payer la dette écologique qu’ils doivent aux pays « du Sud ».
- Offrir un financement climatique nouveau, accessible, adéquat, prévisible et supplémentaire à partir de sources publiques qui soutient les besoins des personnes et des communautés locales.
- Améliorer et simplifier l’accès aux mécanismes existants de financement du climat afin que les communautés locales et les organisations de la société civile puissent plus facilement utiliser et bénéficier de ces fonds.
- Fournir un financement climatique sous forme de subventions plutôt que de crédits, et augmenter le financement de l’adaptation.
- Améliorer la transparence et le suivi du décaissement des financements climatiques afin de renforcer les contrôles et l’équilibre démocratiques et d’améliorer la gouvernance.
- Utiliser respectueusement les connaissances indigènes pour concevoir des interventions axées sur les besoins locaux et adaptées au contexte.
Consultez le rapport complet de la session sur le Financement du Climat (en anglais).
Pertes et Dommages
- Reconnaître les pertes et dommages comme le troisième pilier de la réponse au changement climatique, aux côtés de l’atténuation et de l’adaptation.
- Établir un mécanisme de financement des pertes et dommages lors de la COP27, financé par des pénalités prélevées contre les pollueurs du secteur privé et public sur la base de mesures bien définies, y compris de sources publiques.
- Accorder une attention particulière à la question des pertes et dommages non économiques et prendre des mesures immédiates pour éviter la perte imminente du patrimoine, des cultures et des langues.
- Les gouvernements nationaux des pays vulnérables au climat doivent immédiatement rédiger des stratégies et des schémas d’évaluation des pertes et dommages à soumettre à la CCNUCC.
- Les chefs religieux, y compris le Saint-Siège, les hauts responsables de l’Église et les Evêques d’Afrique, devraient s’exprimer en soutien à la société civile sur la question des pertes et dommages lors de la COP27.
Consultez le rapport complet de la session sur les Pertes et dégâts (en anglais)
Migrations et Déplacements Liés au Climat
- La forte interconnexion entre le climat, les migrations, les conflits et la sécurité alimentaire nécessite une prise de conscience urgente et accrue, des politiques globales, un meilleur lien entre l’aide humanitaire et l’aide au développement durable, ainsi qu’un financement adéquat.
- Le conflit et les tensions entre les personnes déplacées par les migrations liées au climat et les communautés d’accueil nécessitent des politiques, des financements et des actions locales en matière de partage des ressources communes.
- La migration transfrontalière augmentant au fil du temps, la politique de migration climatique doit être reconnue comme une question de droits de l’homme et une mesure d’adaptation.
- Parmi la communauté la plus touchée, les jeunes doivent se voir offrir davantage d’opportunités pour soutenir leur capacité à préserver le patrimoine culturel.
- Les migrations et les déplacements liés aux pertes et dommages induits par le climat sont une question de justice et devraient être considérés comme faisant partie de la discussion sur les pertes et dégâts.
- Le financement des pertes et dégâts doit inclure les migrations et déplacements liés au climat.
- Les migrations et les déplacements causés par le climat aggravent les crises socio-économiques et de développement sous-jacentes.
- Les initiatives de création d’emplois et de plantation d’arbres, selon les principes de l’agroécologie et de l’agroforesterie, devraient prévenir la dégradation de l’environnement et l’exclusion/migration des communautés.
- Les ONG et les institutions catholiques devraient appeler à une plus grande solidarité autour de ces questions et équiper les communautés d’une assistance juridique et d’outils leur permettant de fournir une contribution politique aux divers processus de gouvernance.
- Pour avoir une voix plus forte, les acteurs impliqués dans les migrations et les déplacements liés au climat devraient collaborer et créer des synergies.
Nancy Goethals avec différents médias