Pentecôte : la vie dans l’Esprit


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Pentecôte : la vie dans l’Esprit
CC0 via Pxhere
Par Christophe Herinckx
Journaliste de CathoBel
Publié le - Modifié le
8 min

Dimanche, les chrétiens célèbrent la Pentecôte. La venue de l’Esprit Saint, le don de Dieu par excellence, se traduit dans nos vies par des dons concrets: les charismes. Comment comprendre ceux-ci? Quel est leur rôle dans l’Eglise? Retour sur des réalités pas toujours comprises.

Alors apparurent des langues de feu qui se posèrent sur chacun d'eux.
(c) CC0 - Pixabay

"Quand arriva le jour de la Pentecôte, au terme des cinquante jours, ils se trouvaient réunis tous ensemble. Soudain un bruit survint du ciel comme un violent coup de vent: la maison où ils étaient assis en fut remplie tout entière. Alors leur apparurent des langues qu’on aurait dites de feu, qui se partageaient, et il s’en posa une sur chacun d’eux. Tous furent remplis d’Esprit Saint: ils se mirent à parler en d’autres langues, et chacun s’exprimait selon le don de l’Esprit."

Ce passage des Actes des apôtres (Ac 2, 1-4), entendu lors de la liturgie du dimanche de Pentecôte, est en quelque sorte l’acte fondateur de l’Eglise, communauté universelle des disciples du Christ, et de sa mission. Ce n’est pas un hasard que la "Pentecôte" soit, littéralement, le "cinquantième jour" après la résurrection du Christ. Pour les Juifs, la Pentecôte est la fête de l’Alliance de Dieu avec son Peuple, scellée par le don de la Loi au Sinaï. Plus anciennement, il s’agissait de la fête des premières moissons. Pour les chrétiens, le jour de Pentecôte est ainsi celui où, à la suite des apôtres, ils reçoivent le fruit de la résurrection: l’Esprit Saint. Sa venue est un nouveau commencement, après le temps pascal qui compte 49 jours, sept fois sept jours, soit le chiffre biblique de l’accomplissement redoublé. La Pentecôte est ainsi comme l’accomplissement de l’accomplissement…

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En recevant le don de Dieu par excellence, qui est celui d’une vie nouvelle, une vie dans l’Esprit, les premiers chrétiens vont parler d’autres langues. Non seulement les disciples vont oser annoncer l’Evangile du salut qui s’opère dans la résurrection de Jésus, mais ils vont se faire comprendre de toutes celles et tous ceux auxquels ils adressent ce message. Telle est la signification profonde du passage cité: les apôtres ont désormais le don de parler les langages de tous les humains, de leurs cultures, de leurs "mentalités", pour que l’Evangile puisse être entendu par eux, compris avec l’intelligence du cœur.

Les dons de la grâce

Le don de l’Esprit est à la fois unique et diversifié, comme l’exprime saint Paul dans sa première lettre aux chrétiens de Corinthe. "Les dons de la grâce sont variés, mais c’est le même Esprit. Les services sont variés, mais c’est le même Seigneur. Les activités sont variées, mais c’est le même Dieu qui agit en tout et en tous. À chacun est donnée la manifestation de l’Esprit en vue du bien. À celui-ci est donné, par l’Esprit, une parole de sagesse; à un autre, une parole de connaissance, selon le même Esprit; un autre reçoit, dans le même Esprit, un don de foi; un autre encore, dans l’unique Esprit, des dons de guérison; (…) Mais celui qui agit en tout cela, c’est l’unique et même Esprit: il distribue ses dons, comme il le veut, à chacun en particulier" (1 Co. 12, 4-9,11).

"Les charismes passent le plus souvent inaperçus."

Les "dons de la grâce" dont il est question dans ce texte sont la traduction du pluriel grec charismata, qui a donné le mot bien connu de charismes. Un charisme, au sens spirituel du terme, est donc un don de Dieu. D’une certaine façon, un charisme, comme don particulier, est la forme concrète que prend le don de l’Esprit pour une personne. Quand une chrétienne ou un chrétien reçoit un tel don, ce n’est jamais pour elle-même ou lui-même, mais pour contribuer, pour sa part, à la construction de toute la communauté chrétienne. C’est ce que Paul exprime lorsqu’il compare ensuite l’Eglise à un seul corps composé de divers organes ayant chacun leur fonction pour le bien de l’ensemble (cf. 1 Co 12, 12-27). On le comprend dès lors, les charismes sont toujours liés à une mission spécifique, à laquelle une personne est appelée.

Renouveler la pratique des charismes

C’est dans cette perspective qu’il faut comprendre ce mouvement, ou plutôt ce courant qu’on appelle le "renouveau charimastique". Présente depuis plus de 50 ans dans l’Eglise catholique, cette mouvance est née au début du siècle dernier et a donné naissance à des Eglises dites "pentecôtistes", tout en influençant plus ou moins profondément d’autres Eglises, issues du protestantisme, avant d’émerger également dans le monde catholique. Comme son nom l’indique, ce courant – qui s’exprime à travers des groupes de prière dont certains se sont mués en communautés structurées –, a pour vocation de renouveler la pratique des charismes dans l’Eglise.

Le renouveau charismatique invite avant tout les chrétiens à renouveler la grâce de leur baptême et de leur confirmation, en réveillant pour ainsi dire le don de l’Esprit qu’ils ont reçu, mais qui a souvent été étouffé pour ne pas avoir été suffisamment cultivé. A l’origine de ce réveil, il y a parfois ce qu’on appelle l’"effusion de l’Esprit", ou de façon plus ambiguë le "baptême dans l’Esprit". Il s’agit d’une expérience spirituelle à travers laquelle un(e) chrétien(n)e éprouve être touché(e) par Dieu et renouvelé(e) intérieurement, en profondeur. Les fruits de cette expérience sont d’abord la joie et la paix, la conviction intime d’être aimé(e) par Dieu qui nous est toujours présent. S’ensuit un processus de renouveau de la vie de prière, souvent aussi un chemin de guérison intérieure, et la (re)découverte d’une mission propre dans l’Eglise, en lien avec un ou des charismes spécifiques.

Des dons ordinaires

Saint Paul en cite quelques-uns: une parole de sagesse ou de connaissance, un don de guérison… Bien d’autres charismes existent, qui ne sont d’ailleurs pas nécessairement "extraordinaires". La plupart ne le sont pas, et passent le plus souvent inaperçus, tout en étant biens réels. Par exemple, avoir une capacité d’écoute de l’autre, ou prendre soin des autres de façon très concrète, sont des charismes, des dons à travers lesquels Dieu "passe" pour manifester sa compassion. Précisons aussi qu’"avoir un charisme" n’est pas réservé aux seuls adeptes du renouveau charismatique, mais concerne évidemment chaque chrétien. Dans le même sens, l’effusion de l’Esprit est une expérience que font beaucoup de chrétiens, et qui peut prendre d’autres noms.

Il est aussi important de noter que les dons de l’Esprit viennent en quelque sorte se greffer sur nos qualités naturelles, qui existent donc "avant" notre baptême et notre confirmation. Cela veut dire que Dieu respecte ce que nous sommes, qu’il ne nous demande pas ce dont nous ne sommes pas capables, mais qu’il veut mener à une forme de développement spirituel ce pour quoi nous sommes doués "par nature". Par exemple, il ne demandera pas à quelqu’un qui n’a aucune disposition artistique de diriger la chorale de sa paroisse, mais il pourra appeler quelqu’un qui possède des talents pédagogiques à donner la catéchèse. En nous donnant un charisme – un joli pléonasme –, Dieu nous invite à être ce que nous sommes profondément, et c’est à partir de ce que nous sommes qu’il nous appelle à la mission qui est la nôtre, et qui nous est absolument propre, dans l’Eglise et dans le monde. Pour cette mision unique, nous sommes irremplaçables, tout en démeurant toujours des "serviteurs quelconques".

La guérison spirituelle

Comment accueillir les dons de l’Esprit que Dieu nous destine? D’abord, en nous rendant disponibles à son Esprit, qui souffle où Il veut, mais qui se donne à nous, de manière particulière, dans la prière et les sacrements. Ensuite, en ayant à cœur de répondre aux appels de Dieu tels que nous les discernons, et qui, le plus souvent, passent tout simplement à travers les talents que nous avons déjà. L’Esprit ne se manifestera pas toujours par un grand vent, comme au jour de la Pentecôte, mais nous pourrons percevoir son action en nous et à travers nous lorsque nous aurons la joie de constater que notre engagement porte du fruit. Et tout simplement, aussi, lorsque notre engagement nous donne de la joie, une vraie joie.

Pour finir, un mot tout de même sur un don moins ordinaire: celui de guérison. D’après un certain nombre de témoignages, des personnes auraient été guéries d’une maladie physique, à la suite de la prière d’une autre personne qui aurait reçu ce charisme. Si elle laisse sceptique plus d’un, dans et en dehors de l’Eglise, la possibilité de telles guérisons ne peut être exclue a priori du point de vue du Nouveau Testament, tel que l’Eglise catholique l’interprète. Il en va alors de même pour des guérisons inexpliquées à Lourdes, par exemple, qui peuvent faire l’objet de vérifications, y compris médicales. L’Eglise peut parfois reconnaître qu’une guérison est miraculeuse. Quoi qu’il en soit, l’exercice d’un tel charisme présumé doit faire l’objet d’un discernement sérieux, qui ne perd pas de vue sa finalité, qui est de témoigner de la guérison fondamentale qui est offerte à tous par l’Esprit de Dieu. Cette guérison-là est  spirituelle, au sens large du terme. Elle est guérison du non-sens, des blessures de la vie, de la mort qui peut déjà habiter notre quotidien, guérison du mal et du manque d’amour envers les autres comme nous-même.

✍️ Christophe HERINCKX

Pour approfondir

▶️ Ecoutez ou retrouvez l'émission audio consacrée à l'effusion de l'Esprit Saint


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