Anne-Marie Pelletier est l’une des (trop rares) théologiennes bénéficiant d’une réelle reconnaissance dans le monde catholique. Agrégée de lettres, docteure en sciences des religions, elle a consacré une partie de ses travaux à la place des femmes dans l’Eglise. Dans "L’Eglise et le féminin"*, elle revisite la Tradition en vue de la dégager de certains préjugés culturels sur les femmes.
Les femmes avaient-elles des "fonctions" identiques aux hommes lors de la naissance des premières communautés chrétiennes? Pour Anne-Marie Pelletier, cette question implique le risque de projeter des réalités d’aujourd’hui sur le passé. Pour cette spécialiste de la Bible, il n’en demeure pas moins que le Nouveau Testament affirme l’égalité fondamentale des hommes et des femmes. Très vite, cependant, la culture patriarcale méditerranéenne va influencer les premières communautés chrétiennes, avec pour conséquence une discrimination des femmes. Aujourd’hui, il convient donc de discerner, à la lumière de l’Evangile, ce qui est essentiel et accessoire dans la Tradition. Avec, à la clé, une régénération des ministères dans l’Eglise, ce qui concerne tant les femmes que les hommes.
Peut-on affirmer que la place des femmes dans l’Eglise a évolué de façon positive ces dernières années, en particulier sous le pontificat de François?
Le premier constat qui s’impose est celui de l’actualité grandissante du questionnement sur la situation des femmes dans l’Eglise. La parole libérée à la faveur du travail synodal atteste incontestablement que la question est prioritaire dans les communautés chrétiennes. Le magistère, aux prises avec l’avenir de l’Eglise dans une conjoncture complexe et inquiétante, ne peut pas l’ignorer.
Dès le début de son pontificat, le pape François a signifié par des paroles et des gestes qu’il était particulièrement sensible à cette urgence. Dès sa première année, il a multiplié les déclarations à ce sujet, appelé à des approfondissements théologiques. Depuis, se sont succédé des nominations tout à fait inédites de femmes à des postes rigoureusement réservés aux clercs, et cela jusque dans la Curie. Ainsi, par exemple, une femme a été nommée à la Secrétairerie d’Etat du Saint-Siège en janvier 2020. Une autre a été promue secrétaire du Dicastère pour le développement humain intégral. Une femme encore a été désignée sous-secrétaire du prochain synode des évêques. Du jamais vu, qui ne peut être sans conséquences, même si, comme le pape aime le redire d’ailleurs, des aménagements fonctionnels n’épuisent pas les réponses à apporter à "la question des femmes".
On constate aussi que des diocèses s’ouvrent à des collaborations encore inimaginables il y a quelques années. Des laïcs, au masculin et au féminin, entrent dans le conseil d’évêques, interviennent dans la gouvernance aux côtés des vicaires généraux. De façon exemplaire en Belgique et en Suisse romande, des femmes reçoivent des charges de déléguées épiscopales. Ces évolutions sont de nature à renouveler le fonctionnement de l’Eglise institutionnelle. Cependant, à mes yeux, elles ne peuvent pas dispenser d’avancer aussi sur un ensemble des questions de fond qui s’imposent à l’Eglise sommée de se réinventer avec une vraie audace évangélique.
Propos recueillis par Christophe HERINCKX
*Anne-Marie Pelletier, L’Eglise et le féminin – Revisiter l’histoire pour servir l’Evangile, Editions Salvator, 2021, 171 pages.
Retrouvez l’émission "En quête de sens – Il était une foi" consacrée à "la place des femmes dans l’Eglise" le dimanche 19 juin sur La Une