Un professeur de chant lyrique va changer la vie d’une poignée de détenues. A l’ombre des filles est un beau film sur une double rédemption.

La musique adoucit les mœurs, paraît-il. Dans la fiction, en tout cas, elle ouvre souvent les esprits, rassemble et guérit ceux qui sont mal dans leur peau. Elle permet de s’épanouir et offre bien plus qu’un réconfort pour les oreilles. La famille Bélier, Pitch Perfect, The singing club, de nombreux films mettent en valeur la voix humaine. À l’ombre des filles d’Etienne Comar (Django) s’inscrit dans cette famille de longs métrages dans lesquels la musique soigne.
Le réalisateur français a choisi de situer son intrigue dans une prison. Un endroit où règne par définition la solitude et l’enfermement. Luc, chanteur lyrique renommé, n’y avait jamais mis les pieds. Il ignore tout de ce monde mais c’est aussi ce qui va le pousser à en franchir la porte. Pas comme détenu, vous l’aurez certainement déjà compris, mais comme professeur. En proie à une crise personnelle, il n’arrive plus à chanter devant un public. Une situation fort embarrassante quand on gagne sa vie de cette manière. Luc prend alors les choses en main et décide de faire une pause en s’orientant vers une autre voie. L’envie de donner des cours en milieu carcéral lui trottait en tête depuis un certain temps déjà. Il trouve l’impulsion et se lance.
C’est comme ça qu’il atterrit dans une prison pour femmes. Au départ, Luc regrette son geste. Ses élèves n’ont pas l’air commodes, elles le provoquent, jouent avec lui, alors qu’il n’est pas au mieux de sa forme. L’une d’elles, isolée des autres, se montre particulièrement réfractaire, refusant de communiquer. Heureusement, Luc ne s’arrête pas à cette première impression négative. Il persiste et revient, avec un programme susceptible d’intéresser les détenues.
Une fiction réaliste
Petit à petit, il va apprendre à connaître ces femmes et dépasser ses a priori. La magie du cinéma? Pas seulement, car Etienne Comar s’est beaucoup documenté avant de réaliser son film. Il a notamment fait la connaissance de Michaël Andrieu, un musicologue et professeur en conservatoire, qui a animé des ateliers de musique en prison. « Je lui ai fait lire le scénario à différentes étapes.
Son approche artistique, humaniste et sociale de la musique m’a permis de nourrir le réalisme de l’écriture de cette fiction, tout en lui donnant la portée métaphorique, symbolique que je souhaitais. » Les deux hommes ont ensuite organisé un atelier de chant à la prison de femmes de Fleury-Mérogis pendant plusieurs jours.
Toutes ces expériences ont donc nourri le film. Une double histoire de rédemption, qui dépasse les clichés. Les personnages des détenues sont complexes et humains. Elles ont fait des erreurs, dont on ne nie pas la gravité, parfois. Mais on propose des façons d’aller vers elles, malgré tout. Comme l’avait fait le film Un triomphe, sorti en 2021, À l’ombre des filles invite à multiplier les expériences artistiques en milieu carcéral. Il propose une autre vision de la prison et souligne les bienfaits de l’ouverture aux autres. Luc, le professeur de chant, en ressort certainement grandi.
Elise LENAERTS