Cinéma – Une enfance à Belfast


Partager
Cinéma – Une enfance à Belfast
Par Isabelle Bogaert
Publié le - Modifié le
3 min

Le réalisateur Kenneth Branagh s’inspire de son enfance pour raconter celle d’un gamin pris dans le conflit nord-irlandais, fin des années soixante.

Les rues en damier des quartiers nord de Belfast sont le terrain de jeu de Buddy. Ce jeune garçon de neuf ans connaît tout le monde dans le coin et vit une enfance heureuse, malgré les difficultés financières de ses parents. A la fin de l’été 1969, alors qu’il s’amuse avec ses copains, Buddy va pourtant être confronté pour la première fois de sa vie à la violence des adultes. Les quartiers ouvriers de Belfast deviennent, en effet, le théâtre d’émeutes qui marqueront le début du conflit nord-irlandais. Les rues autrefois accueillantes sont maintenant envahies par les barricades. La colère gronde, les menaces planent, les cocktails Molotov s’enflamment et les pierres volent. Pour le jeune Buddy, c’est fini de gambader librement, en toute insouciance.
Durant le confinement, le réalisateur et acteur Kenneth Branagh (Mort sur le Nil, Hamlet) s’est souvenu de son enfance à Belfast dans les années soixante. La peur pour sa propre sécurité et celle des siens ressentie au début de la pandémie ont trouvé un écho dans celle qu’il a connue étant enfant. "Alors que je revisitais cette histoire, je me suis rendu compte qu’il ne s’agissait pas seulement de celle d’un petit groupe très familier dans une situation difficile, devant faire des choix de vie, mais aussi de celle d’un confinement, derrière les barricades dressées dans les rues en 1969, en proie aux contraintes qui s’intensifiaient autour d’eux et à la nécessité de faire un choix: rester ou partir", raconte le réalisateur.

A hauteur d’enfant

Le récit de Belfast est donc en grande partie inspiré des souvenirs de Kenneth Branagh. Le réalisateur retranscrit ses impressions, en se remettant dans la peau de ce petit garçon de neuf ans. On sent d’ailleurs la sensibilité du cinéphile à travers les images de films et programmes télévisés vus par le jeune Buddy. Cette approche, à hauteur d’enfant, permet de rendre compte du conflit opposant catholiques et protestants avec candeur mais aussi avec une forme de lucidité. Buddy, issu d’une famille protestante, ne comprend pas pourquoi ces voisins qu’il a toujours croisés sont maintenant devenus des ennemis. On tente de lui expliquer les différences mais il ne saisit pas vraiment ce qui cloche entre les deux. Cela vaut d’ailleurs une très jolie scène durant laquelle la cousine de Buddy essaie de lui apprendre à distinguer les catholiques par leur prénom et le fait qu’ils se confessent.
Cette légèreté est encore sublimée par de belles idées de mise en scène. Le noir et blanc se fait doux et poétique, sans pour autant édulcorer la situation. Le conflit nord-irlandais a fait de nombreuses victimes. On le voit souvent présenté sous cet aspect sanglant. Le choix de suivre le conflit sous les yeux d’un petit garçon n’enlève en rien la douleur mais il nous préserve d’une certaine violence. Il s’agit donc d’une tranche de vie qui rend compte des événements qui ont poussé des milliers de personnes à fuir leur ville. Un film d’une troublante beauté, auquel on ne peut pratiquement
rien reprocher.

Elise LENAERTS

Catégorie : Culture

Dans la même catégorie