
Dans nos contrées, la mort par suicide reste un tabou. Pour preuve, les circonstances d’un décès seront évoquées lors d’un accident de voiture ou des suites d’une longue maladie, mais la mention d’un suicide ne passe pas.
Elle semble indiscrète, voire indécente, et choque les esprits. En réalité, ce qui est choquant, ce n’est pas l’information en elle-même, c’est la manière dont elle est rapportée. Les détails n’ont aucune valeur ajoutée; ils frôlent l’indécence.
Pour l’entourage, un suicide est un séisme, qui laisse sans voix. Les suites sont liées à la manière de réagir propre à chacun. Il n’y a aucune marche à suivre établie, seulement un besoin d’empathie. Or comment être entouré de bienveillance si le mot même de suicide fait encore fuir et baisser les yeux? Demain sera ce que nous en ferons.
Le suicide n’est pas une honte, c’est juste une abomination, pour les survivants qui se trouvent désemparés et hantés par leurs questionnements, pour les morts qui ont connu les abysses de la souffrance. En prenant la parole, l’artiste Stromae a porté sur le devant de la scène le mal-être de nombreux individus. Intitulée « L’enfer », sa chanson-phare souligne les pensées qui ne cessent de tarauder les esprits, dans une spirale sans fin. Il n’y a pas de remède contre le suicide, hormis la prévention. Et celle-ci implique de mettre des mots sur ces maux de l’âme.
Sans voyeurisme ni complaisance, évoquer le suicide revient à aborder de face une situation tragique. Loin des jugements préétablis, celui-ci nous force dans nos retranchements et nous pose des questions essentielles. Il nous ramène aussi à nos proches. Etre attentif aux autres dans leurs failles et dans leurs fragilités, voilà l’une des clefs. Mais s’il y avait un seul remède à mettre en pratique, cela se saurait… Nous voilà confrontés à la complexité humaine, ses tourments et ses doutes. C’est ce qui en fait aussi la plus belle des ressources. Car des trésors de patience infinie habitent nos cœurs.
L’amour des autres prévient bien des souffrances, mais ne les empêche pas. Soit. Nous pouvons néanmoins accompagner les personnes plongées dans les abîmes de la douleur. La possibilité nous est donnée de faire un pas sur leur chemin, sans y perdre, pour autant, nos propres résolutions ni nos forces.
Angélique TASIAUX