Portes ouvertes a dévoilé ce 19 janvier, son traditionnel index des persécutions chrétiennes dans le monde. Des chiffres et des faits qui traduisent une montée de la violence. La crise sanitaire a souvent servi de prétexte à des mesures discriminatoires contre les pratiquants religieux.

(c) Portes ouvertes
Le constat est sans appel dès l'entrée de la conférence de presse: "la persécution des chrétiens a atteint un niveau record", comme l'annonce Patrick Victor, directeur de la mission Portes ouvertes France-Belgique. Depuis 1993, cette ONG inventorie les faits de violence et de discrimination qu'ont subi les chrétiens pendant l'année précédente. S'il ne faut retenir qu'un chiffre, pour la période entre octobre 2020 et octobre 2021, un chrétien sur 7 dans le monde a été privé de liberté religieuse, en ne pouvant pas pratiquer ou en étant discriminé pour sa religion. "Plus de 360 millions de chrétiens sont victimes de cette violence sur un motif religieux", confirme Patrick Victor, en poursuivant par trois chiffres aussi révélateurs :
- 5898 chrétiens ont été tués en 2021, soit 16 chrétiens assassinés chaque jour
- 5110 églises ont été ciblées par des attaques violentes
- Et 6175 chrétiens sont détenus pour raisons religieuses.
Au sommet de cette liste
Après ce constat statistique sur le monde entier, l'ONG Portes ouvertes produit un classement des pays. L'index se base sur les chiffres, où la persécution dite "marteau" (violence soudaine) s'ajoute à la persécution "étau" (discrimination croissante sur tous les domaines de la vie). Pour la période étudiée, la première place est désormais prise par l'Afghanistan. Depuis la prise de pouvoir des talibans, la persécution contre les personnes listées comme chrétiens s'est accrue. Les rares chrétiens encore en liberté souffrent d'ailleurs d'une solitude totale, puisque leurs rassemblements religieux ne sont plus autorisés. L'Afghanistan détrône la Corée du Nord qui occupait la première place de ce triste index depuis près de vingt ans.
La liberté de religion a été mise à mal par la Covid-19
le directeur de Portes ouvertes
Plusieurs autres pays ont connu une forte progression des faits de persécution contre les chrétiens: le Myanmar (Birmanie) suite au coup d'État de février 2021 est passé de la 18ème à la 12ème place. L'exemple du Qatar, qui a grimpé du 29ème au 18ème rang de cet index, illustre aussi la persécution dont les chrétiens ont été victimes en raison de la fermeture des églises pendant la crise sanitaire. De nombreux édifices ne peuvent rouvrir à cause d'un grand nombre de contraintes gouvernementales, ce qui oblige les pratiquants à se réunir et célébrer au sein des domiciles.
L'ONG Portes ouvertes analyse quelques grandes tendances expliquant ce classement des pays peu favorables aux croyants. "La liberté de religion a été mise à mal par la Covid-19", cite d'abord Patrick Victor, le directeur de l'ONG basé à Strasbourg. La digitalisation a aussi contribué à limiter les libertés des chrétiens. L'exemple de la Chine où des caméras sont installées à proximité et dans les églises officielles en est la meilleure illustration. Enfin, les réseaux sociaux se révèlent un moyen de contrôler les opinions et de brider la liberté d'expression.
N'importe quel déclencheur de violence

(c) Portes ouvertes
La présentation de ce rapport 2022 a permis de faire entendre "la voix des sans-voix", selon l'expression de Fred Williams, pasteur originaire du Nigéria. Il s'exprimait sur la violence commise par des soi-disant "bandits", en fait les terroristes, dans le nord du Nigéria, contre les chrétiens et en particulier les responsables d'églises. "La région du Plateau [où ce pasteur était installé depuis longtemps, NDLR] est devenu un lieu de violence. Une violence qui peut être déclenchée par n'importe quoi, aussi bien des évènements locaux que ce qui se passe dans le monde, comme la publication des caricatures de Charlie Hebdo". Son église a notamment été attaquée à plusieurs reprises, avec tentatives d'incendie. Un de ses confrères pasteurs a été enlevé en novembre dernier. Malgré le paiement de la rançon demandée, ce pasteur a été exécuté. Un autre témoignage par John Dayal, fondateur du Conseil des chrétiens en Inde, a montré l'ampleur des persécutions contre les minorités religieuses dans cette République de 1,3 milliards d'habitants. "Nous avons appelé 2021, l'année de la peur. Je suis choqué de voir l'escalade de la violence contre les chrétiens dans mon pays", reconnaît cet activiste politique. En faisant référence à l'histoire, il ajoute : "la terre du Mahatma Gandhi ne devrait connaître aucune persécution ni violence. C'est pour ces principes-là qu'il a donné sa vie."
Plusieurs témoignages montrent enfin l'ampleur des persécutions dont les chrétiens ont été victimes pendant la période de crise sanitaire. Le directeur de l'ONG Portes ouvertes explique par exemple que les personnels soignants de confession chrétienne au Pakistan n'ont pas pu avoir accès à blouses, masques et autres matériels nécessaires pour travailler dans les hôpitaux. Plusieurs infirmières chrétiennes sont décédées du Covid. Dans d'autres régions du monde, les pratiquants chrétiens étaient privés d'accès à l'eau potable, ou aux colis alimentaires fournis par l'État. La discrimination a pris de multiples formes.
AF de Beaudrap