Chaque année, la Journée internationale pour l’abolition de l’esclavage (2 décembre) nous rappelle qu’il y a encore beaucoup à faire en la matière. Même dans des pays qui l’interdisent officiellement, comme la Mauritanie. Là-bas, quarante ans après cette abolition, les liens entre maîtres et esclaves se perpétuent in petto.

La petite parcelle de Madigu était toute sa vie. Son maître ne lui ôterait pas sans qu’elle ne s’y oppose violemment. Cela faisait quelques années déjà que Madigu refusait d’être encore l’esclave que son sang lui imposait. Elle avait rejoint le mouvement abolitionniste Gambaranou, « Nous sommes tous pareils », qui luttait contre la perpétuation des pratiques esclavagistes dans la région du sud-est de la Mauritanie. Mais ce jour d’avril 2021, lorsque le maître a tenté de déplacer un piquet délimitant sa parcelle, Madigu a fait éclater au grand jour la sourde tension qui les opposait. Son maître a alors chargé son fils de la « corriger ». « Il m’a roulé plusieurs fois dessus avec sa moto », raconte Madigu réfugiée aujourd’hui à Nouakchott, la capitale. « Il a brisé mes mains et une jambe. J’étais comme un cadavre sur la route ». Laissée grièvement blessée, Madigu a été récupérée par des militants abolitionnistes et transférée vers un hôpital dans la capitale. Elle ne marchera plus jamais sans boiter.
Une pratique répandue dans tout le Sahel
Dans cette région de Mauritanie, ainsi que dans la plupart des pays du Sahel (Mali, Niger, Tchad et Soudan), l’esclavage demeure une pratique répandue. Aujourd’hui encore, les populations s’y déterminent souvent comme « libres » ou « captives » selon que, dans leurs veines, coule un sang ancestral d’esclaves ou de maîtres. Il ne s’agit pas d’une traite où les esclaves sont destinés à une entreprise d’enrichissement à grande échelle. « Il s’agit d’un esclavage domestique qui voit des hommes et des femmes réduits à vivre et à mourir sous la domination d’un maître, sans avoir jamais accès à un état civil, ni à un salaire, ni même à la responsabilité du destin de leurs enfants », explique le militant mauritanien, Biram Dah Abeid, fondateur de l’IRA (Initiative pour la Résurgence de mouvement Abolitionniste). Alors que l’abolition est devenue la norme, cet esclavage exercé le plus souvent par des populations arabo-berbères contre les populations noires, n’a pas fait à ce jour l’objet d’une remise en question critique, et relève même souvent d’un tabou. (…)
Photo: Une rue à Nouakchott © Gilles Trinques

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