Face à l’ampleur des mesures à prendre pour réformer l’Église face au scandale des abus sexuels, les évêques demandent de l’aide au pape. Ils font aussi largement appel aux laïcs à plusieurs niveaux.
A l’issue de l’assemblée plénière des évêques français qui se déroulait comme chaque année à Lourdes, une longue liste de décisions a été communiquée pour faire face au désastre des abus sexuels commis par les prêtres et religieux. « Le monde peut apporter une aide précieuse à l’Eglise », a rappelé Mgr Eric de Moulins-Beaufort, en citant Gaudium et Spes (constitution élaborée pendant le concile Vatican II). C’est donc à une laïc, juriste et spécialiste de la défense des droits des enfants, que les évêques de France confient la présidence de l’Instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation (INIRR). En deuxième lieu, l’assemblée plénière a choisi d’adresser une demande au Saint Père, « puisque c’est lui qui nous a nommé« , précise le président de la conférence des évêques de France. L’aide du pape consistera, selon la demande formulée par les évêques, à ce qu’il envoie un expert ou un groupe de personnes « en qui il a confiance », dont la mission serait d’examiner la manière dont l’Église de France a traité et traite encore aujourd’hui les personnes victimes et leurs agresseurs.
En découvrant l’ampleur du rapport de la Commission indépendante des Abus sexuels dans l’Église (CIASE), mais surtout en écoutant les témoignages de quelques victimes qui sont intervenus pendant les séances de l’assemblée, « nous avons été secoués et ébranlés« , admet Mgr Eric de Moulins-Beaufort. Pour faire le suivi des recommandations de la CIASE, des groupes de travail sont mis en place sous la responsabilité de personnes laïcs. Ces groupes seront chargés, notamment d’examiner les « bonnes pratiques » à adopter devant des cas signalés, l’accompagnement des ministères de prêtres, mais aussi d’analyser les causes des violences sexuelles au sein de l’Église.
L’Église se dessaisit d’une partie de ces biens
Une autre mesure forte a été adoptée par les évêques à l’issue de cette assemblée plénière. Pour indemniser les victimes, chaque diocèse devra contribuer au fonds SELAM (Fonds de secours et de lutte contre les abus sur mineurs), « en se dessaisissant de biens immobiliers et mobiliers« . Le président de la Conférence des évêques de France annonçait dans son discours de clôture : « Nous allons vers un appauvrissement de l’Église par bien des aspects« . Faisait-il référence à l’invitation au dépouillement qui ressortait du témoignage des personnes pauvres invitées plus tôt à Lourdes ? Par ce geste, l’Église de France voulait se mettre à l’écoute de la « Clameur de la Terre, clameur des pauvres ». Il se trouve aussi que cette assemblée plénière a fait le compte de ses finances après une année 2020 marquée par les confinements et absence de messes, donc de quêtes en paroisses. « Or, le recul marqué des ressources des paroisses a été compensé en partie par une progression inédite du denier. Oui, les fidèles soutiennent matériellement l’Église« , remarque Mgr Eric de Moulins-Beaufort dans le discours de clôture ce 8 novembre.
Après l’écoute et la réflexion pendant cette semaine très dense à Lourdes, les évêques semblent avoir pris le parti de décisions : vendredi, ils reconnaissaient la responsabilité institutionnelle de l’Eglise, suivi le lendemain d’une demande de pardon adressée à Dieu. Maintenant chaque évêque en rentrant dans son diocèse dans l’Hexagone sera accompagné dans sa mémoire des mots prononcés par les victimes, mais aussi du visage d’un petit garçon en pleurs. Une image que le président de la CEF évoquait ainsi: « Petit enfant qui, à jamais pétrifié, pleure sous les voûtes d’une cathédrale, petit enfant des centaines de milliers de fois multiplié ! Quelqu’un t’a photographié. Quelqu’un s’est reconnu en toi, a vu en toi l’image de sa destinée brisée, ravagée. Petit enfant qui pleure sur un pilier d’église, là où tu devrais chanter, louer, te sentir en paix dans la maison de Dieu« .
AF de Beaudrap