Face aux risques d’explosions, au manque de structures de santé et de personnel formé, la population irakienne a encore dû affronter le Covid. De passage à Bruxelles entre deux missions, le directeur des programmes Handicap international en Irak témoigne de la force dont font preuve les Irakiens.
L’Irak n’est présente dans les journaux que quand l’actualité des combats menés par Daech fait de nouvelles victimes. Et pourtant au quotidien, la population essaie de se reconstruire, voire pour certains de retourner dans leurs villes et villages d’origine.

L’ONG Handicap international accompagne les Irakiens depuis trente ans pour aider ceux qui sont affectés par un handicap ou une blessure invalidante. Andrea Trevisan qui finit son mandat de directeur des programmes en Irak, constate : « Énormément de villes sont à reconstruire en Irak. Des centaines de milliers de personnes ne peuvent pas revenir chez eux.
Plus précisément, quel est l’état des structures de santé ?
« Malheureusement les hôpitaux, les centres médicaux, etc. ont payé un lourd tribu à ces conflits passés. À Mossoul par exemple, les infrastructures sanitaires ont été détruites, complètement rasées. Ailleurs, les structures sanitaires ont été occupées par des groupes armés. Au niveau rural, il y a un manque de matériel et de personnel. Aujourd’hui l’offre de soins de santé, notamment des soins spécialisés, est très faible. Certaines personnes que nous avons accompagné pendant leur séjour dans les camps témoignent du fait qu’en rentrant dans leurs villages d’origine, ils doivent parcourir 50, 60 ou 70 kilomètres pour rejoindre le centré de santé le plus proche. Cela rend plus compliqué tout effort de rééducation.
Qu’en est-il après la pandémie Covid19?
La crise sanitaire a compliqué notre travail à plusieurs niveaux. Comme nous sommes en contact avec la population vulnérable, nous avons dû faire des choix par rapport aux bénéficiaires que nous pouvions aider ou pas, nous avons dû pallier aux suspensions de déplacements et autres restrictions imposées par les autorités, ce qui a affecté le transit d’une province à l’autre. Le staff irakien a fait un effort remarquable pour développer de nouvelles modalités: à distance ou par téléphone, nous avons assuré un accompagnement émotionnel pour une population qui avait déjà dû faire face au trauma des bombardements et de la guerre. Ils avaient dû quitter leurs maisons, et là ils perdaient leurs soutiens directs, l’aide médicale immédiate. L’aspect économique a aussi été touché puisque l’économie informelle a été supprimée. Beaucoup de ménages ont perdu leurs moyens de subsistance. Cela a ajouté des difficultés, notamment pour les familles dans les camps de déplacés.
Malgré tout, vous gardez-espoir…

La pandémie a été un grand moment de surprises, mais elle a aussi amené une belle réaction. Nous avons trouvé de la force dans nos capacités, essentiellement par les relations que nous avons avec les communautés locales. Après des années de combat, de fuite et de difficultés, les gens continuent d’avoir envie de se relever. Ils viennent vers nous par envie de travailler ensemble. Ce qui motive mon engagement : faire en sorte que ces personnes puissent avoir les meilleures conditions de vie possibles.
Quel message pour les Occidentaux?
Il faut en finir avec les frappes militaires dites intelligentes, elles ne regardent pas où elles tombent. Quand les bombes explosent, elles ont un impact sur toute la communauté, sans distinction d’âge, de sexe, ou de situation de vulnérabilité. C’est pour cela qu’il faut en finir avec ces pratiques horribles.
Je voudrais aussi encourager à continuer de suivre ce qui se passe en Irak. C’est un pays passionnant, qui a énormément de besoins, mais la population met tout en œuvre pour changer l’issue de la guerre. »
Recueilli par AF de Beaudrap
Lire également dans Dimanche n°35, un article sur la problématique des mines et engins explosifs.