Journaliste pour l'hebdomadaire La Vie, Alexia Vidot se convertit à l'âge de 20 ans. Dans "Comme des cœurs brûlants" paru chez Artège, elle témoigne de son parcours personnel. Elle y présente aussi une galerie de portraits spirituels, d'hommes et de femmes, dévorés par une foi ardente.

"Toute conversion authentique est le miracle d'une rencontre. La rencontre d'un homme avec le Christ. L'idéologie, la morale et la sociologie ne font pas le poids face à la puissance de ce face-à-face, de ce coeur-à-coeur. Le christianisme n'est pas la religion d'un livre, encore moins d'une loi, mais d'un Dieu personnel, vivant et vivifiant."
"Alexia, qui es-tu?"
C'est lors d'un séjour en montagne, chez les moniales, que la toute jeune Alexia connaît une conversion. Au départ, un bon plan vacances vendu par des copines cathos de Sciences Po. Et contre toute attente, "les moniales [...] m'ont enfantée à la Vie, m'ont appris à débusquer le visage du Seigneur dans les Ecritures."
Le premier soir, une religieuse - "deux petites flammes incandescentes et un joyeux sourire" - vient frapper à sa porte, s'asseoir à côté d'elle et lui adresse cette question fatidique: "Alexia, qui es-tu?"
"Trois jours, il n'en a pas fallu plus à Dieu pour me retourner comme un gant." Du moins, c'est ce que pensait l'auteure avant de prendre conscience que "L'on ne devient pas chrétien du jour au lendemain, [...] Il existe des préalables à la rencontre avec Dieu."
Ainsi, depuis ce séjour béni en montagne, Alexia Vidot apprend à relire sa vie, pour y discerner les moments où la grâce l'a touchée de manière souterraine.
Dieu (nous) aime et respecte notre liberté
Car Dieu cherche l'homme. "Où qu'aille l'homme Dieu y court. Bien plus, il le précède. [...] C'est par grâce, et non de lui-même que l'homme se met donc, un jour, en quête de Dieu."
Tant que notre coeur ne demeure pas en Dieu, nous ne serons jamais en paix, écrit encore la journaliste. "Et Dieu non plus. Il continuera de nous chercher et de nous ramener à lui par tous les moyens. Tous? Presque. Dieu s'est fixé une seule limite : respecter notre liberté. La liberté est inhérente à notre humaine condition et à notre vocation divine".
Dieu frappe depuis des siècles à la porte de la liberté humaine. Il ne la force jamais.
Alexia Vidot dans "Comme des cœurs brûlants"
Sur la montagne, la jeune adulte découvre en fait ce manque, cette perte, cette soif d'absolu, enfin ce besoin d'amour vrai, définitif et total, que seul Dieu est capable de combler.
"Dieu est l'amour gratuit et inconditionnel, celui-là même auquel nous avons tellement de peine à croire. Il est si difficile de nous dépendre de cette logique du donnant-donnant, celle du mérite, de la rétribution et de la récompense" prend-elle alors conscience. Ce qu'elle découvre aussi en séjournant dans ce monastère, c'est de se savoir aimée. "Dieu, c'est Quelqu'un qui m'aime". Dieu existe mais j'existe aussi pour Lui.
"Sur la montagne, Dieu m'a extirpée de ma solitude en me révélant ma condition de créature et de fille bien-aimée du Père, en me restaurant dans la vérité de mon être jusque-là captif du mensonge de la liberté absolue".
Prise de conscience également que la vraie liberté "se réalise dans la mesure où nous acceptons d'être dépendants et serviteurs de Dieu, d'abord, et les uns des autres, ensuite". Loin de dérouter Alexia, la découverte de sa dépendance filiale est non pas synonyme de soumission mais invitation à la relation avec le Père. La liberté comme lieu de notre vocation et même de notre sanctification.

L'humain ne peut pas être la source de son propre bonheur
De sa plume vivifiante et magnifique, Alexia Vidot dénonce. "Elle est assassine cette société qui entend guérir l'homme de son inquiétude métaphysique et religieuse." En le maintenant à la surface de son être, en le retenant de plonger dans les abîmes où sommeillent les questions existentielles: qui sommes-nous? d'où venons-nous? où allons-nous? Pourquoi le Mal? Et Dieu dans tout ça?
"Notre monde est tellement satisfait de lui-même, tellement fier de ses conquêtes techniques, scientifiques et technologiques [...] qu'il voudrait dispenser l'homme d'affronter ces interrogations fondamentales de la raison."
"L'humain, poursuit-elle, en vient à penser qu'il n'a besoin de personne, et surtout pas de Dieu, se considérant comme la source de son propre bonheur". Un bonheur qui ne peut avoir qu'un goût de trop peu et dont Alexia ne peut se satisfaire. Car l'homme, ainsi coupé du ciel, est tel un mort-vivant.
Non, la foi n'est pas une opinion subjective destinée à rester dans le secret de notre sphère privée.
Alexia Vidot dans "Comme des cœurs brûlants"
Parmi tous les "-ismes" (positivisme, matérialisme, subjectivisme, ...) qui tentent ainsi d'endiguer la soif de liberté et de vérité de l'homme, il en est un contre lequel l'auteure affute sa plume: le relativisme. "Lorsque j'affirme que tout se vaut, de deux choses l'une: soit j'admets que mon propos est lui aussi relatif, donc qu'il porte en lui-même sa propre contradiction, soit je considère que tout est relatif, sauf ce que je dis. Rationnellement, le relativisme ne tient pas."
Dans toute conversion, il y a un avant et un après
Qu'est-ce donc que la conversion? Pour Alexia Vidot, un retournement complet de la personne. Si aucune ne se ressemble, elles ont ceci en commun que l'homme se laisse regarder par Jésus. Il se découvre infiniment aimé et aimable. "Dans toute conversion, il y a un avant et un après". Le converti reçoit une nouvelle identité: le Christ crucifié et ressuscité. Comme une naissance encore plus accomplie.
Mais l'auteure précise : se convertir, ce n'est pas faire table rase de son histoire, une conversion véritable ne consiste pas à passer d'un camp à l'autre mais à revenir à soi-même. La conversion est en réalité le point de départ, et non d'arrivée, d'un chemin.

La conversion ne se réduit pas au seul moment où tout a basculé, elle est le labeur de toute une vie. Une conversion qui nous appelle également à la mission. "Non, la foi n'est pas une opinion subjective destinée à rester dans le secret de notre sphère privée. [...] Certes, il n'est pas question d'imposer notre foi à la conscience de nos frères, mais de la dire, de la proposer, de l'offrir comme un cadeau qu'ils pourront, librement, refuser."
Sophie DELHALLE
Alexia Vidot, "Comme des coeurs brûlants", Artège, 2021, 240 pages