Cinéma – Les visions du pouvoir


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Cinéma – Les visions du pouvoir
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Par La rédaction
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Mystique italienne du XVIIe siècle, Benedetta Carlini fut une religieuse condamnée pour son homosexualité. Le cinéaste Paul Verhoeven nous la présente à sa manière, sulfureuse.

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Avec l’histoire d’une nonne lesbienne du XVIIe siècle, le réalisateur hollandais Paul Verhoeven confirme son penchant pour le sulfureux. Benedetta, son dernier film présenté au festival de Cannes en juillet dernier, risque d’en émouvoir, pour ne pas dire choquer, plus d’un. Il y retrace le parcours de Benedetta Carlini, jugée pour avoir entretenu une relation homosexuelle avec une autre sœur du couvent. Le réalisateur s’est librement inspiré du livre Sœur Benedetta, entre sainte et lesbienne écrit par l’historienne Judith C. Brown dans les années quatre-vingt. Les faits sont donc avérés mais le traitement qu’en fait le réalisateur est très personnel. Ce qui fait tout l’intérêt de son film.

Benedetta nous présente donc cette jeune femme, Benedetta Carlini, entrée au couvent en Toscane alors qu’elle était encore une petite fille. Elle vivait sa vie de sœur, comme les autres, jusqu’au jour où elle est visitée par Jésus. Ses visions et les stigmates qu’elle reçoit à ce moment-là lui donnent une aura. Vénérée par les autres, Benedetta devient abbesse du couvent. Ce qui va évidemment provoquer des réactions envieuses et de la méfiance chez certaines personnes. Parallèlement à cela, elle découvre les plaisirs de la chair auprès d’une jeune nonne. Un comportement inconcevable à une époque où le corps de la femme ne lui appartient pas.

Un film inclassable

A partir de ces éléments historiques, Paul Verhoeven construit un récit maniant à la fois le premier et le second degré. Sa version cinématographique brouille les pistes pour questionner la foi et les croyances. Car personne ne sait si Benedetta a vraiment des visions, si elle les utilise consciemment pour gagner du pouvoir ou si elle invente tout. Le film joue constamment sur cette ambiguïté, nous baladant entre les affirmations de la nonne et le regard sceptique de certaines sœurs.

Une ambiguïté qui se prolonge dans la forme du film. Il est en effet très difficile de classer Benedetta dans une catégorie. Eminemment comique par son côté burlesque, au bord de la farce, il s’avère profond dans le regard qu’il porte sur l’institution religieuse. Les réactions des plus hauts placés dans la hiérarchie témoignent de la rigidité du système et des questions de pouvoir qui naviguent sous la surface.

L’homosexualité de Benedetta a bien sûr son importance dans l’histoire, mais ce n’est pas le point central du film. Il aide plutôt à composer un personnage habité qui ne sait comment concilier sa foi et la découverte de sa sexualité. Virginie Efira (Victoria, Sybil) contribue d’ailleurs grandement à instaurer le doute. Son jeu à la fois moderne et très premier degré entre en résonance avec le côté espiègle du film. Au-delà de son aspect sulfureux, le nouveau long-métrage de Paul Verhoeven fait donc preuve d’une richesse appréciable. Il en déroutera et même rebutera certains, mais il mérite d’être vu.

Elise LENAERTS

Catégorie : Culture

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