Avec Tout s’est bien passé, le réalisateur français François Ozon adapte le livre de son amie, Emmanuelle Bernheim, avec pudeur et réalisme.
Dans les couloirs d’un hôpital, Emmanuelle et sa sœur se précipitent au chevet de leur père qui vient de faire un AVC. Elles lui glissent un petit mot réconfortant puis s’éclipsent pour parler au médecin. Ce dernier leur explique qu’il faudra du temps pour qu’il récupère et que le risque de récidive est élevé. Le vieil homme est en effet fort diminué. Il a perdu l’usage d’un bras et ses traits déformés altèrent son élocution. André garde malgré tout son caractère de cochon et son humour insolent. Les semaines passent, les progrès commencent à devenir visibles mais il ne retrouvera certainement jamais son autonomie. Face à ce constat, André demande à sa fille de l’aider à en finir. Cette requête, impossible à honorer à cause de la loi française, place sa fille face à un dilemme. Totalement contre cette idée, elle accepte néanmoins de se renseigner auprès d’une association suisse qui organise l’euthanasie.
Emouvant et sans parti pris
Au moment du tournage de son film Sous le sable, en 2000, le réalisateur français François Ozon (Grâce à Dieu) s’est lié d’amitié avec la romancière Emmanuelle Bernheim. Ils ont ensuite travaillé ensemble à l’écriture de plusieurs scénarios. L’écrivaine lui a alors proposé d’adapter son roman Tout s’est bien passé, dans lequel elle raconte comment elle a aidé son père à "mourir dignement". Ne se sentant pas prêt, François Ozon a refusé. Ce n’est qu’après le décès de son amie qu’il a éprouvé le besoin de se replonger dans son roman et d’en faire le film dont nous parlons aujourd’hui.
L’histoire de ces deux sœurs embarquées dans cette délicate affaire résonne donc de façon très personnelle. Au départ de ce récit intime, François Ozon parvient à insuffler sa propre vision des choses, à mettre sa touche comme on dit. Tout en restant fidèle à l’histoire de son amie, il livre une intéressante réflexion sur la fin de vie. Comme souvent dans ses films il ne prend pas parti. Il raconte simplement le cheminement de cette famille, montre les diverses réactions des proches. Le caractère fort de cet homme, admirablement campé par André Dussollier, contribue à donner au film une dimension moins plombante que ne le laissait présager le sujet.
Tout s’est bien passé est émouvant, bien sûr, mais il ne tombe jamais dans l’excès de sentiment. Le personnage du père n’est pas un agneau ou un vieillard résigné. Il est têtu, au point d’en devenir drôle parfois. Sa détermination, ses défauts, sa relation ambivalente avec ses filles aussi, permettent de ne pas tomber dans l’apitoiement. Aux côtés d’André Dussollier, Sophie Marceau et Géraldine Pailhas, achèvent de composer un récit réaliste et sans faux-semblants sur la fin de vie assistée. La pudeur est de mise, comme la dignité. On en ressort avec une impression de calme et d’apaisement. Tout s’est bien passé et ce n’était pas gagné d’avance…
Elise LENAERTS