Après bientôt soixante ans de vie donnée au Kivu, une région frontalière sous haute tension, rien ne semblait arrêter l’infatigable missionnaire au grand cœur… si l’épidémie de Covid n’avait déferlé sur la grande ville de Goma, privée de vaccins.
Avec pas moins de 87 prêtres, 2 ou 3 évêques, 56 Filles de Marie venues de Bukavu comme de nombreux autres religieux et religieuses, paroissiens ou amis, l’église Notre Dame d’Afrique, à Goma, dernière paroisse du prêtre disparu, était comble à l’intérieur comme à l’extérieur pour la messe d’à Dieu, présidée par l’évêque du lieu, Willy Ngumbi. « Un enterrement royal », selon son confrère Georges Martin.
A Waterloo, la paroisse St-Joseph, son port d’attache depuis son enfance, n’a pas été en reste en affichant complet lors de la messe d’action de grâces célébrée ce 30 juillet.
C’est dire le rayonnement de ce pasteur, homme d’action, humble et discret, qui se laissait simplement traverser par l’amour du Christ.
Pourquoi pas toi ?
Jeune scout, alors qu’il faisait la haie d’honneur pour l’ordination de Paul van Ravestijn, missionnaire d’Afrique, il avait entendu un appel "pourquoi pas toi ?" et s’était laissé saisir. Profondément bon, heureux dans sa vocation, il aimait la vie, avait le contact facile, chaleureux comme l’art d’accueillir ses hôtes.
"Quand reviens-tu ?", disait-il dès que nous l’appelions pour prendre de ses nouvelles. Pourtant, à Goma comme à Bukavu où il avait été principalement curé de paroisse, il était tellement sollicité qu’il était parfois contraint de s’isoler pour souffler.
A 85 ans, après des années à crapahuter à moto sur la lave dans la ville de Goma ou sur les sentiers ravinés des quartiers les plus miséreux de Bukavu, il s’était mis à marcher de plus en plus pour aller à la rencontre des gens chez eux ou dans la prison surpeuplée de Goma dont il était devenu l’aumônier.
Sans tambour ni trompette, le "padiri" (père en swahili) était à l’écoute de tous, en particulier des jeunes et des plus vulnérables dont il racontait, édifié, le courage. Pour eux, il construisait. Des écoles, d’abord, parce qu’à ses yeux, l’éducation était la clé de voûte pour les faire sortir de la misère.
Secoué lors de la dernière éruption du Nyiragongo
Voici deux mois, Xavier Biernaux avait été finalement contraint de quitter la zone menacée par le volcan et évacué par les autorités belges dans des conditions éprouvantes (cf Dimanche n° 22 du 6 juin 2021).
Dans la tempête, épuisé, il était tombé vers l’arrière et avait dû être porté pour grimper dans un hors bords. Mais à peine arrivé au Rwanda, il n’avait de cesse de rejoindre les séminaristes dont il s’occupait.
Hospitalisé le 10 juillet dans une structure des sœurs carmélites, il avait été transféré le 16 juillet à la clinique Cimak où il est décédé le 22 juillet. Lors d’une dernière communication téléphonique, il s’était excusé de ne pouvoir guère parler tout en promettant de reprendre contact avec le maçon et le menuisier pour ses projets de construction du moment, à savoir un poulailler et une porcherie pour nourrir les postulants et peut être aussi, les personnes tétraplégiques ou les prisonniers, dont il avait le souci.
Il cherchait désespérément à faire envoyer des vaccins contre le covid à Goma, où hôpitaux et morgues sont aujourd’hui débordés. Les autorités de la ville, officiellement en état de siège, auraient refoulé 300.000 vaccins partis ailleurs. Aujourd’hui, Goma pleure ses morts.
Xavier Biernaux verra au moins comblé, son désir de reposer auprès de ceux qui lui ont été confiés dans ce pays qu’il aimait tant.
Texte et photo: Béatrice Petit