Les terrasses des restaurants rouvrent. Les élèves du secondaire reprennent pleinement le chemin de l’école. Les vaccinations s’accélèrent. Nous savons toutefois que nous n’en avons pas encore vraiment fini avec le covid. Il nous faudra encore mener quelques batailles, à commencer par tenir bon, dans la durée, sans perdre patience. Mais comment garder le moral alors que le covid asphyxie notre quotidien? Depuis plus d’un an, celui-ci endeuille beaucoup de familles. Il fragilise la santé physique des uns et la santé psychologique des autres, ou les deux à la fois. Il éprouve durement les équipes médicales, perturbe l’équilibre de nombreux couples, rend la vie professionnelle des uns ingérable et la vie étudiante des autres infernale. Il augmente les précarités économiques, les sentiments de solitude et de morosité, les violences, les dépendances à l’alcool, et j’en passe. Sans être dans le déni de ces réelles souffrances, comment chercher à être heureux?
Avec bienveillance, on peut personnellement s’interroger sur les possibles bienfaits de ce temps d’épreuve. Qu’apprenons-nous de cette longue année? Sur nous-même? Sur les autres? Prenons-nous soin de nos relations, de nos familles? La situation sanitaire nous rend-elle captifs de nos propres besoins ou hissons-nous les voiles de l’altruisme et de la solidarité? Profitons-nous de l’isolement pour nous gaver d’écrans ou nous donnons-nous les moyens d’horizons plus profonds? Quant à nos addictions, nous rendent-elles davantage prisonniers de « soupapes de décompression »? Remportons-nous des victoires sur ce qui nous empêche de vivre en harmonie? Il ne s’agit pas de se culpabiliser, mais de faire le point. Nous attendons un retour bien compréhensible aux « libertés » mais lesquelles et pourquoi? Et si notre grand défi du covid était une révolution spirituelle? Le confinement nous a-t-il permis de prêter l’oreille aux confidences de notre âme? Il n’est pas trop tard. Par quoi notre vie est-elle vraiment nourrie? Qu’est-ce qui la rend essentielle? En quoi trouvons-nous notre véritable bonheur? Nos réponses sont autant d’éléments précieux à notre trésor intime.
Sur un plan sociétal, qu’espérons-nous trouver après le covid? Un retour à la « normale »? Ou cette crise nous fait-elle prendre conscience que le développement d’un « autre » monde est souhaitable? En termes d’éducation, de justice sociale, de vivre-ensemble, d’équilibres économiques… les objectifs ne manquent pas. Et que dire des défis écologiques? Les urgences sont là. Personnellement, je ne peux imaginer qu’on puisse être heureux à vivre dans le déni ou l’insouciance de ces enjeux essentiels. Ce ne sont pas pour moi des motifs de désespérance. Le bonheur se conquiert dans des victoires à remporter. Comme le chante Youssoupha dans son dernier clip, « si tu peux pas faire de grandes choses, fais de petites choses avec grandeur ». Nous en sommes tous capables. Il est temps de retrouver un certain sens du sacré, c’est-à-dire un respect et une reconnaissance pour la vie, visible et invisible, qui nous est donnée, qui jaillit en nous et tout autour de nous. Il est temps de reconsidérer avec humilité nos prétentions humaines, de les mettre en adéquation avec le respect des personnes et de notre environnement.
Personnellement et collectivement, nous pouvons chercher à vivre et pas seulement à exister. Dans nos luttes contre les pauvretés. Dans nos combats pour la justice. Dans l’attention portée à chaque situation de vie. Dans nos gestes de fraternité. Dans la recherche de la vérité. Dans le déploiement de notre intelligence. Dans la confiance partagée. Dans la caresse d’une mère pour son enfant. Dans un prélude au piano. Dans une secrète prière. Dans une soirée entre potes. Dans une marche en forêt. Dans un baiser échangé. Dans le silence qui accueille une parole. Dans le labeur d’une vie donnée. Dans le souffle de nos meilleures aspirations. En tout cela, rien n’est jamais simple. Mais, en tout cela, il y a un chemin de bonheur véritable.
Sébastien Belleflamme
Enseignant et animateur en pastorale