Goma : des scientifiques belges au chevet du volcan Nyiragongo


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Goma : des scientifiques belges au chevet du volcan Nyiragongo
Le 27 mai, les habitants de Goma ont reçu l'ordre d'évacuer la ville. © Belga
Par La rédaction
Publié le - Modifié le
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Le 27 mai, les habitants de Goma ont reçu l'ordre d'évacuer la ville (© Belga).

Plus de 400.000 personnes ont été évacuées du centre- ville de Goma. Deux fissures importantes jointes à des centaines de secousses sismiques depuis l’éruption du volcan ce 22 mai incitent à la prudence face aux pires scenarii. Une équipe de scientifiques belges collabore étroitement avec les volcanologues congolais. L’un d’eux, Benoît Smets, nous explique l’imprévisible Nyiragongo.

L’éruption du samedi 22 mai soir a surpris tout le monde. Pas la moindre secousse sismique annonciatrice, pas de déformation du sol, calme plat du côté des sismomètres de l’Observatoire Volcanologique de Goma (OVG). "Ce n’est pas faute de moyens de surveillance comme en 2002, lors de la précédente éruption, l’OVG est maintenant pourvu d’outils sophistiqués. Et pour pallier les défaillances de connexion locale, les données arrivent simultanément chez un partenaire luxembourgeois", souligne le volcanologue belge,

Même l’immense réservoir bouillonnant que constitue le lac de lave au sommet du cratère affichait un calme plat quelques heures avant de se déverser vers la ville. "Seul le Nyiragongo, le volcan le plus dangereux d’Afrique, est capable de réserver de telles surprises !" commente Benoit Smets, qui suit de près le volcan.

Depuis 15 ans déjà, le Musée d’Afrique centrale soutient l’Observatoire de Goma au travers de la recherche scientifique, de la technologie, par l’octroi de bourses, la formation de doctorants. Ainsi, trois scientifiques belges spécialisés volcans -dont Benoït Smets- rejoindront incessamment Goma.

L’éruption est terminée mais les mouvements du magma inquiètent

Comme en 2002, une partie du cratère s’est effondrée suite à l’éruption. Le danger ne vient donc plus de là. Par contre, l’activité sismique s’est poursuivie, faisant trembler les Gomatraciens et faisant s’effondrer des maisons.

Le magma bouge toujours en profondeur, provoquant de grandes fissures qui traversent la ville du nord au sud ou vers le lac Kivu, toujours à travers la ville. Parmi les scenarii possibles, la lave pourrait donc sortir au niveau du lac ou en ville. "Aujourd’hui, poursuit le volcanologue, on est à un tournant : l’activité sismique se concentre sous le lac du côté du Rwanda. Soit elle s’éloigne, ce que nous espérons, soit elle provoque une nouvelle catastrophe"

Autre sujet d’inquiétude, le lac frontalier du Rwanda recèle, en profondeur, des strates impressionnantes de méthane et de dioxyde de carbone plus ou moins stables. Le pire danger serait une explosion limnique où le gaz dissous remonterait brutalement à la surface. Fin des années 80, le Cameroun a connu cette horreur, destructrice de toute forme de vie.

"Pareil dégazage du lac Kivu pourrait provoquer deux millions de morts ! Heureusement, rassure le volcanologue, grâce à la surveillance permanente nécessitée par l’exploitation côté rwandais du méthane et du CO2 (pour la fabrication de la bière et du coca), on sait le sous-sol stable du moins, à ce jour. Mais nul ne peut présager l’avenir, il y a beaucoup d’inconnues comme pour la pandémie", conclut Benoît Smets !

Goma, un risque permanent de destruction

Lors de la dernière éruption, en février 2002, et après, lors de visites sur le terrain, nous avons été témoin de la mise en garde répétée des volcanologues face aux autorités et aux organisations humanitaires internationales sur le terrain. Ils cartographiaient les lignes de faille et les pointaient, expliquant que lors des prochaines éruptions de ce volcan parmi les plus actifs au monde, la lave emprunterait ces mêmes chemins ouverts, voire plus vite et plus fort. Mieux valait ne pas reconstruire là !

Ils n’ont pas été entendus. Voici 19 ans, la ville comptait quelque 600.000 habitants. Aujourd’hui, on est à deux millions. Et ce volcan hyper actif semble avoir pris pour rythme un réveil brutal environ tous les 20 ans.

Benoît Smets confirme : "les fissures se sont ouvertes aux mêmes endroits, la lave a suivi le même chemin en 1977, en 2002 et en 2021, créant des boulevards pour les coulées. Pire, on a reconstruit encore davantage. et on risque de reconstruire encore demain là où la lave a tout détruit."

Béatrice Petit

Catégorie : International

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