En février dernier s'est tenu un colloque en ligne traitant de la responsabilité des chrétiens dans la crise écologique. Il a attiré un large public dont trois Belges engagés dans l’Église. Ils partagent avec les lecteurs de Cathobel leur enthousiasme quant aux réflexions et aux pistes présentées.
Nous sommes trois personnes engagées dans l’Église à la suite du Christ, chacun avec une mission particulière: Françoise Nimal est pasteure EPUB à Verviers, Anaïs Guerin est assistante à Church4You (autrefois dénommée liaison des pastorales des jeunes catholiques) et Joaquim Lesne qui est référent écologie intégrale pour le diocèse de Liège. Nous sommes tous les trois interpellés par les fondements cosmiques et les responsabilités écologiques de notre foi chrétienne.
Dans ce cadre, nous avons participé récemment au Colloque sur les Responsabilités chrétiennes dans la crise écologique, organisé conjointement par l'ISEO (Institut Supérieur d’Études Œcuméniques), l'ISPC (Institut Supérieur de Pastorale Catéchétique - Theologicum), l'ITO (Institut de Théologie Orthodoxe Saint-Serge) et l'IPT (Institut Protestant de Théologie) en partenariat avec le réseau Église Verte. Cette liste ainsi que celle des nombreux intervenants (ce colloque a duré trois jours !) nous ont attirés. Nous voulons témoigner de ce que nous avons entendu et vécu*.
La richesse de la rencontre
Nos amis franciliens ont vu grand: environ huit cents participants avec distance sanitaire et numérique, pour une Église plus proche de la Terre et des pauvres. Huit cents personnes issues de toutes les Églises, car la Terre nous rassemble bien plus qu’elle ne nous divise. A l’unanimité, la diversité de chaque tradition (catholique, protestante, orthodoxe…) est une réelle richesse pour le soin de la Terre et des pauvres. Nous y trouvons une occasion de forger une unité sur le socle de notre espérance chrétienne. Huit cents personnes, du néophyte à l’expert sur les questions d’écologie et de christianisme. Chaque après-midi, des groupes de discussion ont permis de se rencontrer, de dialoguer, de s’échanger des bonnes pratiques, de Paris à Bamako, de Liège à Vancouver, de Genève à Manille.
La programmation avait de quoi se lécher les babines spirituelles: le patriarche de l’Église orthodoxe de Constantinople Bartholomée Ier, Bruno Latour, Elena Lasida, Martin Kopp, Fabien Revol, ainsi que tous les intervenants que nous ne connaissions pas et qui nous ont bluffé. Bartholomée Ier, responsable de l’Église orthodoxe est celui qui a, bien avant les autres, officiellement alerté des racines éthiques et spirituelles de la crise écologique. Il a donné le ton: tout abus de la création n’est rien d’autre qu’un péché contre la nature et son Créateur, c'est-à-dire un échec de la relation avec la nature et le Créateur.
Comment habiter la Terre?
Qui dit responsabilité ne dit pas seulement complicité, mais aussi contribution positive. Ainsi, Bruno Latour veut regarder la Terre habitable comme une "zone critique", parce qu’elle est le seul lieu du salut ! Quand Dieu demande à Adam "Où es-tu?", Il sait bien où il est; c’est l’homme qui doit se poser cette question: où suis-je? Nous, les humains, où sommes-nous, comment notre Église habite-elle la Terre reçue de Dieu? Car dans cette question, c’est aussi l’eschatologie (c'est-à-dire le discours sur la fin du monde) qui est présente, sous un jour dont nous devons prendre conscience. Devant Dieu, il nous faudra répondre de ce que nous avons fait de nos frères humains, mais aussi de notre sœur la Terre et de tous les êtres avec qui nous vivons en interdépendance.
Les chrétiens se remettent en question
Plusieurs interventions nous ont bousculés par les regards qu'elles posent sur la conversion écologique. Elles nous ont, entre autres, permis de découvrir pourquoi le féminisme est une posture proche de l’engagement écologiste. Quant à l’écothéologie elle permet de rendre au cosmos sa dimension "mystérique". Dans le cosmos, l'être humain est appelé à développer un "ethos eucharistique" (en quelque sorte un comportement): la Terre fournit le blé et le raisin, l’homme le transforme en pain et vin, les énergies divines le transfigurent en corps et sang du Christ. L'anthropologie et l’ethnologie peuvent aider l’Église à se désoccidentaliser pour s’ouvrir aux autres cultures où atterrit l’Évangile. Enfin, le retour à la Bible, spécifiquement à l’hébreu peut être d’un grand secours pour cheminer dans notre conversion écologique.
Chemin de foi et de communion
Bref, ce défi spirituel nous fait revivre et offre des opportunités: saurons-nous lâcher prise, sortir de nos domaines d’expertise pour apprendre à travailler pour de vrai en relation avec tous nos frères et sœurs? Saurons-nous profiter de ce temps favorable pour déployer un discours positif sur la fin du monde ou d'un monde, afin que notre souci de la Création ne soit pas seulement contemplation des pâquerettes paroissiales (de préférence à celles en plastique du cimetière!) mais véritable chemin de foi? Saurons-nous traduire ces perspectives dans les parcours de catéchèse et de catéchuménat ?
"Vert, j’espère!" Nos amis d’Église Verte (France et Canada), d’EcoÉglise (Suisse) nous montrent que c’est possible et souhaitable. Tenez-vous prêts, nous vous tiendrons informés sur ces questions.
Anaïs Guerin, Joaquim Lesne, Françoise Nimal
Vous êtes interpellés par la responsabilité des chrétiens dans la crise écologique et sociale et vous souhaitez contribuer à une action d’Église ? Contactez-nous : ecologie.integrale@evechedeliege.be
*Les Actes du Colloque seront disponibles dans quelques mois à la Bibliothèque du Séminaire de Liège.
Crédit photo: Adam et Eve par Le Titien_CC SnappyGoat