Les personnes âgées mais aussi ceux qui souffrent de la fracture numérique connaissent de plus en plus de difficultés pour les démarches bancaires. Enéo et Financité s'en alarment dans une campagne "Banques : dehors les seniors ?"
Gisèle (prénom d'emprunt) doit payer sa facture d'électricité. Pour de nombreuses familles, cela peut être réglé en deux clics d'ordinateur, ou tout aussi rapidement sur une application mobile. Mais Gisèle ne dispose pas de l'équipement nécessaire pour traiter sa facture à distance. Elle n'est pas adepte non plus de la domiciliation bancaire. Cette dame, comme tant d'autres personnes dans la même situation, doit se rendre à une agence bancaire pour effectuer le virement nécessaire au règlement de sa facture. Pour un peu que Gisèle ait besoin d'aide pour compléter les différentes cases sur l'appareil Self'banking, cela compliquera davantage sa démarche. Il faudra alors qu'elle trouve parmi les banques de son quartier, l'agence où on trouve (encore) des employés et non seulement des machines.
Au-delà de ce cas fictif, une campagne lancée par Enéo attire l'attention sur les difficultés croissantes que les seniors rencontrent dans leurs démarches bancaires. En fait, ce phénomène d'exclusion numérique ne concerne pas que les personnes âgées, cela touche de nombreuses personnes comme le révélait l'été dernier le baromètre de l’inclusion numérique réalisé à l’initiative de la Fondation Roi Baudouin. Près d’un ménage sur trois avec des faibles revenus ne dispose pas de connexion internet. 40% de la population belge ont de faibles compétences numériques. Un chiffre qui monte à 75% chez les personnes avec des faibles revenus et un niveau de diplôme peu élevé. Elles sont respectivement 55% et 67% à ne pas effectuer de démarches administratives en ligne.
De moins en moins d'agences ouvertes
A cette première discrimination liée aux compétences et au matériel disponibles pour chaque foyer, s'ajoute dans le cas des banques le critère de la répartition géographique. Si les personnes moins équipées en informatique doivent se déplacer pour faire leurs démarches en agences, encore faut-il avoir des agences ouvertes dans le voisinage. Or, les grandes banques diminuent leurs nombres d'agences, les unes après les autres. Une réduction justifiée, disent-elles, par la baisse de leur fréquentation, la nécessité de diminuer les coûts et surtout la volonté de maintenir un rendement suffisant aux yeux des actionnaires.
Une analyse menée en 2019 par Financité remarque que la densité du réseau bancaire dépend en partie de la catégorie de revenus disponibles par régions. "La plupart des banques s'installent dans des zones à revenus élevés", indique ce rapport. Pour les communes dépourvues d'agences, les citoyens doivent parcourir quelques kilomètres de plus pour trouver le moindre distributeur de billets, et surtout les agents qui pourront aider leurs démarches bancaires. Le rapport de Financité révèle d'ailleurs qu'un tiers des agences avaient disparu en l'espace de 10 ans.
Jusqu'à 150 euros de frais annuels
Les mesures sanitaires liées à la pandémie Covid ont encore amplifié cette tendance. Le travail à distance est recommandé ce qui diminue d'autant les plages d'ouverture des agences bancaires. Pour lutter contre la contamination, les autorités plaident pour l'usage de toute forme de paiement électronique. Ceux qui n'ont pas de smartphone, ni d'application bancaire téléchargée s'en trouvent facilement exclus. Certes, il est possible de retirer de l'argent en pièces ou en billets aux caisses de la majorité des magasins, mais comment régler ensuite les fournisseurs d'électricité, d'eau ou d'autres services ? Au final, cette recommandation d'utiliser prioritairement la monnaie électronique renforce la concentration des banques dans les lieux les plus rentables, ce qui exclut davantage les personnes des régions rurales qui ne disposeraient pas de moyens informatiques suffisants. Les témoignages recueillis par Enéo dans cette campagne lancée en juin 2020 le montrent suffisamment.
"Soit les personnes s'adaptent au digital, soit elles vont être amenées à payer le prix fort", s'alarme Anne Fily de l'association Financité. Les banques appliquent de plus en plus de frais, jusqu'à quelques euros à chaque fois, pour faire exécuter un virement bancaire sous forme papier, ou se faire envoyer les extraits bancaires à domicile. Liliane, qui s'exprimait dans le podcast d'Enéo, insiste sur le fait que l'accès bancaire devrait être considéré comme un service public même si les organismes financiers sont des opérateurs commerciaux. Chaque individu confie son argent à telle ou telle banque, dans l'espoir de pouvoir l'utiliser au mieux, sans que l'essentiel de cette somme ne soit prélevé en frais bancaires. Les personnes concernées peuvent se renseigner sur les comparatifs de frais bancaires pour déménager leurs comptes chez un opérateur moins 'gourmand'. Certaines banques ont heureusement développé une attention particulière pour réduire les tarifs des envois d'extraits bancaires ou des procédures papier.
AF de Beaudrap
Crédit photo: Pixabay / Enéo
Il est encore temps d'envoyer des cartes postales et des lettres pour témoigner de son expérience sur l'accessibilité des services bancaires. Ces cartes mises en forme dans le cadre de cette campagne sont envoyées massivement à Febelfin (la fédération belge du secteur financier) et au cabinet du Premier Ministre Alexander De Croo. Infos sur le site Enéo